Le monde est porteur d'un parfum de mystère.
"Terreur et fascination".
Ce mystère a cristallisé, en Inde, sous la forme du Veda, le Savoir.
Ce savoir est comme un arbre.
Ses racines prennent le ciel,
et ses branches croissent au fond
de la terre des hommes.
Le Veda n'est pas un système,
mais un vivant, comme le monde,
dont il évoque les connexions secrètes,
les liens cachés :
ce sont les fruits de l'arbre du Savoir,
fruits que l'on nomme les Védântas,
ou les Oupanishads.
Cet arbre pousse à travers l'écoute.
Des hommes ont entendu
ce son éternel, naturel,
comme on entend le bruit du vent
dans les branches d'un arbres.
Et alors, cet arbre immense, de toujours,
a scintillé en bribes de mots, de phrases.
D'autres hommes ont mémorisé ces syllabes,
ces sons éternels, et une tradition est née.
Toutes ces vies nous parlent du mystère :
brahman, en samskrita, la langue "perfectionnée",
la langue des dieux amateurs d'énigmes.
Brahman vient de la racine brihm,
"croître, s'accroître, se dilater, grandir".
Selon Shankara, brahman, tel quel,
désigne "une chose grande", vaste, immense, magnifique.
Tout le Savoir est le Savoir du brahman.
Mais - ô mystère - le Savoir est lui-même le brahman.
L'Immense comme Verbe.
Éternel. Aussi naturel que le souffle.
Ce Verbe se condense en "om".
Le son qui contient en soi tous les sons.
Le symbole qui enveloppe tous les symboles.
Qu'es-ce que brahman ?
Mystère, sens inépuisable.
Tout est brahman.
Tout est l'Immense en éclosion.
Brahman est la puissance mystérieuse
du rituel ancestral et sacré entre tous :
le rituel du feu.
Le feu, intermédiaire entre l'humain et le divin.
Le rituel du feu,
écho du rituel de l'homme semant dans le feu de la femme.
Cette ardeur que l'on ressent durant le rituel du feu,
cette vibration intime, faite
des crépitement du feu (qui dit le Savoir),
de la danse des flammes,
des paroles des participants,
est une masse vibratoire puissante :
brahman.
Brahman est aussi la parole.
Mystère de la parole, puissances.
Le Savoir est une masse de sons.
Si l'on réunissait une centaine de brâhmanas
(ceux qui se consacrent au brahman, au mystère)
pour réciter les mantras, chanter les hymnes du Savoir,
on entendrait juste "om",
comme si l'on contemplait un vaste océan.
On aurait aussi le sentiment
de discerner d'infinies vagues, des mots,
et d'être face à une immensité immuable,
massive - "om".
Comme un bourdonnement, comme un essaim.
Brahman.
Brahman se personnifie - il devient Brahmâ,
le dieu, Dieu qui, par son rituel,
évoque le cosmos hors du chaos.
Le rituel est ce qui relie.
Le rituel est l'art, rita en langue samskrita.
Le rituel est brahman.
Brahmâ est l'Adepte originel.
Les brâhmanas sont ceux qui aspirent
à participer à son activité.
Brahmâ est le Maître des créatures,
le père des vies.
Et tout cela se répond, se correspond.
Ce tissu, avant d'être la texture et les textes
que l'on appellera, plus tard, tantras,
est brahman.
Le mystère.
Enfin, nous ressentons tout cela
quand nous retournons notre attention sur elle-même,
quand notre regard s'inverse,
quand nos énergies recoulent.
Nous réalisons alors
que brahman, c'est nous.
Soi-même.
Ce soi-même, le plus évident, le plus proche, le plus intime,
est l'Immense, le plus caché, le plus transcendant, le plus mystérieux.
Mystère des mystères.
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