Suite du Jeu de la conscience (Bodha-vilâsa), attribué à Kshéma Râdja :
Quand la conscience
se tourne vers les choses,
elle devient l'âme.
Les sages savent que quand
la contraction devient l'important,
la conscience libre devient l'âme. 7
Le sujet soumis à Mâyâ est conscience.
Mais quand il s'incarne
à cause du débordement de cette (contraction),
il s'attache aux choses,
privé du véritable discernement. 8
Or, l'âme est l'individu. Chez l'homme, on dira que c'est la personne.
Ainsi, la conscience devient elle-même la personne,
par contraction.
Par "contraction", et non par division, parce que la conscience
reste toute entière elle-même dans cette condition librement assumée.
Elle semble pauvre, aliénée, mais elle conserve tous ses pouvoirs.
Ainsi l'imagination, la pensée, la mémoire, sont vues
par la philosophie de la Reconnaissance (dont ce poème est une expression),
comme des pouvoirs.
Mais tant que l'individu - c'est-à-dire la conscience divine -
s'y oublie, elle s'y aliène et en souffre.
Paradoxalement, la conscience doit donc se détacher de ses pouvoirs
pour les retrouver.
Quand l'attention se détache des choses, elle redevient pleine conscience
et l'imagination, la pensée, la mémoire sont reconnues
comme le Jeu de la conscience, comme son libre jeu.
Enfin, notez que l'âme n'est pas définie comme
mouvement par opposition à l'immobilité de la conscience,
mais, au contraire, comme pétrification de la fluidité consciente.
L'âme est à la conscience
ce que la glace est à l'eau.
L'âme est "contraction", ce qui suggère assez bien
qu'elle est comme un ralentissement de la conscience.
La pure spontanéité devient, peu à peu,
habitudes, comme une sève qui durcit
et peine à se répandre en l'arbre
qu'elle anime.
La conscience doit alors se secouer, se réveiller elle-même,
en se retournant sur elle-même,
en se détournant d'abord des choses,
pour ensuite se reconnaître comme Source des choses.
Autrement dit, la personne doit s'oublier elle-même
dans l'immensité silencieuse,
afin de s'accomplir comme personne.
Si je ne suis rien,
je deviens tout.
Et ainsi de suite.
Cependant, cette philosophie ne met guère l'accent
sur la "mort" de l'ego, sur l'impersonnel,
sur le désert, le silence, la simplicité, l'espace nu.
Elle préfère voir - et faire voir - l'ensemble sous l'angle
positif de la plénitude : Je suis tout, "Je suis" est le Tout.
L'ego meurt, mais en se dilatant.
L'idée profonde est cependant la même que celle
des mystiques Chrétiens et Platoniciens :
il faut mourir pour vivre,
réaliser qu'il n'y a "personne" pour s'accomplir personnellement,
s'enfoncer dans l'universel
pour se réaliser comme être singulier.
Plus je suis dans "ma" personne,
moins je suis personnel,
car plus, en effet, je suis une sorte de robot,
marionnette d'automatismes
dont je n'ai même pas conscience.
Plus je suis hors de "ma" personne,
plus ma personnalité s'affirme dans sa singularité,
dans ce qu'elle a d'unique.
C'est tout le paradoxe de la vie intérieure.
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