A-t-il existé des courants spirituels semblables au Tantra en Occident ?
Oui, il y a eu le gnosticisme, un mouvement qui, comme le Tantra, a traversé plusieurs traditions : religion égyptienne, grecque, judaïsme et christianisme. En fait, les Gnostiques employaient les symboles de toutes les traditions pour faire passer leur message, qui est un message de transgression. Selon eux, les dieux des religions, qui obligent les hommes à les servir, ne sont que des outils créés par les êtres pervers qui ont, en partie, créé l'homme et notre univers. Le gnosticisme invite à la révolte contre les religions de soumission, en remplaçant le sacrifice et l'obéissance aux règles des pouvoirs dominants, par la connaissance directe du divin, connaissance qui, seule, est libératrice.
Les dieux des religions officielles, des religions populaires, sont de faux dieux. En particulier, le dieu d'Abraham est une sorte d'ange déchu qui, avec ses acolytes, a créé notre monde. Ce monde est une imitation du monde véritable, le Plérôme, dans lequel vit le vrai dieu, qui est à la fois masculin et féminin. Les faux dieux ont aussi créé l'homme. Mais, sans qu'ils le sachent, une étincelle du divin véritable a été insufflée en l'homme. Cependant, la plupart des humains l'ignorent, d'où la nécessité de recevoir la connaissance de ce fait afin de pouvoir se libérer et retourner au Plérôme.
Selon les Gnostiques, Jésus, le Christ, est l'envoyé du Plérôme sur Terre est il est la synthèse de toutes les forces divines. En ce sens, les Gnostiques sont des Chrétiens, mais en un sens très éloigné du christianisme apostolique transmis par les apôtres. D'ailleurs, selon les Gnostiques toujours, ces apôtres sont les collaborateurs du faux dieu, Ialdabaoth-Iaveh, et Judas n'était que l'un d'eux. Iaveh, dieu jaloux et égocentré, est un manipulateur dont les Gnostiques se protégeaient, notamment, avec des amulettes où Iaveh est représenté avec une tête de lion. Il a parfois un corps de serpent, étant alors nommé Chnoubis, forme qui a connu, et qui connait encore, une certaine popularité.
Ce faux dieu demande sacrifice, obéissance et crainte, alors que le vrai dieu est tout amour, liberté et connaissance. Le but du gnosticisme est donc de se délivrer de l'emprise du faux dieux et de ses seconds, les archontes, les "gouverneurs". Contrairement au christianisme apostolique, le gnosticisme refuse de collaborer avec le pouvoir politique, romain ou juif ou autre, tous ces pouvoirs étant au service du faux dieu et de sa méchanceté.
Tout ceci ressemble beaucoup au Tantra ou tantrisme. Là aussi, il s'agit de se libérer des faux dieux du plan de la Mâyâ, afin de remonter vers les mondes purs, grâce à la connaissance et à l'initiation. Le vrai dieu descend dans le monde sous la forme de ses Mantras, sortes d'anges libérateurs capables de contrecarrer l'action des faux dieux et de permettre aux âmes de remonter vers les mondes du "chemin pur", selon les termes du Tantra shaiva.
Dans ces deux courants, la connaissance, l'initiation, les symboles et des sortes de mantras sont au cœur du chemin spirituel.
Or, cette tradition gnostique, très ancienne, a existé en Europe et notamment en France. Ainsi, nous avons des détails sur un certain Marc, qui transmettait la connaissance gnostique à Lyon vers 180.
Selon lui, le divin est à la fois le Père, la Mère et l'Enfant androgyne. A ces trois correspondent trois groupes de lettres :
- les neuf consonnes sourdes invoquent le Père.
- les huit consonnes sonores invoquent la Mère.
- les sept voyelles invoquent le Fils : A - E - Ê - O - I - Ô. Le premier E est ouverts "è", le second est fermé, "é". De même, premier "o" est ouvert, comme dans "oh", comme dans "oreille", tandis que le second est fermé, comme dans "eau". Les sons vont donc du plus ouvert ou plus fermé, comme dans l'alphabet sanskrit.
Ce dernier est aussi employé comme Matrice des Mantras et source de libération. Comme ces syllabes de l'alphabet grec, les phonèmes de l'alphabet sanskrit sont énoncés dans différentes zones du corps. En particulier, on peut employer à part les voyelles, douze en sanskrit. Les sept voyelles grecques, elles, permettent d'harmoniser les "sept cieux" en faisant remonter l'âme à travers eux et en neutralisant le faux dieu qui dirige chaque niveau, tout comme dans le Tantra.
Dans les deux traditions donc, on retrouve l'importance de la Parole, puissante et libératrice, ainsi qu'un schéma trinitaire du divin. Dans le Tantra, la tradition du Trika ou "triade", enseigne aussi un Père, Shiva, une Mère, Shakti et un Enfant qui est la personne, nara, l'individu, anu.
Et tout cela non loin de Lyon. Nous le savons avec certitude, car un évêque apostolique, Irénée, a rapporté ces faits. Il se plaint du succès de ce maître gnostique Marc, notamment auprès des femmes, car dans leur version de la messe, une femme pouvait officier et prophétiser. L'histoire semble avoir ensuite fait gagner la tradition apostolique, mais le gnosticisme a continuer à fasciner, jusqu'à la découverte de la "bibliothèque" gnostique de Nag Hammadi en 1945, qui nous permet maintenant de lire les "tantras" gnostiques.
Il y a donc une profonde parenté entre Gnose et Tantra, entre ces deux courants d'Orient et d'Occident.
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