Selon l'index publié par The Economist, la démocratie ne cesse de reculer dans le monde depuis 2014.
Le philosophe Alexandre Douguine, inspiré par des traditionnalistes comme Heidegger, René Guénon et Julius Evola, appelle à détruire l'humanité par l'arme nucléaire afin de l'"exorciser" de son libéralisme satanique.
Après Platon et tant d'autres, Tolkien lui-même, récemment "purifié" par un wokisme outrancier dans la série Les Anneaux de pouvoir, ne disait-il pas : « Je ne suis pas "un démocrate", simplement parce que "l'humilité" et l'égalité sont des principes spirituels corrompus par la tentative de les mécaniser et de les formaliser, en conséquence de quoi nous n'obtenons pas la petitesse et l'humilité universelle, mais la grandeur universelle et la fierté, avant qu'un certain orque ne se procure un anneau de pouvoir - et alors nous obtenons l'esclavage" (Lettres)?
Que dit le Tantra sur le démocratie ?
A première vue, le Tantra a émergé dans un contexte monarchique. Et de fait, le Tantra (bouddhiste, shaiva ou autre) s'adresse à des rois, jamais au peuple. Il y a maints rituels d'intronisation et de protection des "rois" du féodalisme indien médiéval, mais guère d'allusion à une société civile, à des libertés ou à des principes d'égale dignité.
Cependant, il en va autrement dans le Tantra non-dualiste, ésotérique, shâkta, centré sur le féminin. Je pense plus précisément à la tradition Kaula, avec ses branches incroyablement fécondes.
Il y a dans la tradition Kaula quelques graines de démocratie :
- la valorisation du féminin. Une femme peut atteindre l'éveil plus facilement et rapidement qu'un homme.
- l'existence de maîtres et d'adeptes dans toutes les catégories sociales.
- l'accent mis sur la fluidité du genre. La déesse est appelée Dieu (prabhu au masculin, parfois), elle est "transgenre" (napumsakâ).
- chaque individu contient tous les pouvoirs car "tout est dans tout", sarvamsarvâtmakam.
- la liberté, l'indépendance, base de la souveraineté individuelle et nationale.
- l'idée de "non-hiérarchie", anuttara. Il y a des hiérarchies, mais chaque niveau est directement relié à la source. Voilà d'ailleurs pourquoi la voie spirituelle peut-être graduelle et directe à la fois.
- en sanskrit contemporain, "démocratie" se dit loka-tantra "qui dépend du peuple", ou jana-tantra, le Tantra du peuple.
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Pour chacun de ces points, il existe des références précises.
L'étude du Tantra peut donc participer à une réflexion sur la démocratie et sur les règles d'une société libérale. Contrairement à ce que disent certains, le Tantra, du moins shâkta-kaula, est loin d'être incompatible avec le libéralisme.
Merci David pour ces belles réflexions. La connexion avec la conscience de la transcendance, avec l'esprit essentiel, me semble à la fois le bien suprême, qu'on ne saurait lâcher une fois on y a minimement goûté... et en même temps, la source des tendances les plus fâcheuses qu'il puisse y avoir.
RépondreSupprimerDès qu'il y a connaissance du réel, l'apparition des symbolismes n'est jamais loin, et ils en font une voie d'approche qui inspire les multitudes. S'en ensuivent les récits, les légendes et les mythes, avec leurs affirmations exagérées sur le monde. S'en ensuivent aussi les philosophies ancrées dans le conceptuel, tentatives de capturer par les mots ce qui ne peut pas l'être. Du croisement des deux apparaissent des occultismes, des affirmations de révélations ou connaissances secrètes, des hiérarchies autoproclamées. Tôt ou tard, quelqu'un veut appliquer tout ce "bien" pour le bien du monde, et conçoit des idées grandioses pour que les pouvoirs du monde soient guidés par le Divin, sur la base de principes inévitablement ancrés dans le passé. En quelques pas, toute la légèreté et subtilité de ce qui avait été connu donne lieu à tout son contraire, qui peut peser sur le monde pendant des siècles et des siècles.
L'oeuvre de René Guenon est le parfait exemple d'une défense de tout cela. À la place que pourrait-on proposer? J'aime imaginer un minimalisme spirituel, mais j'ai du mal à le poursuivre moi-même. Comment garder l'inspiration au jour le jour quand nous nous sentons être des simples personnes individuelles séparées, avec nos mécanismes et nos problèmes? Est-il psychologiquement possible de suivre un chemin d'intériorisation sans en faire une identité? Est-il culturellement possible qu'une telle voie survive et se propage sans s'encombrer?
Personnellement je ressens ce souffle de liberté intérieure dans les écrits des maîtres récents dont la réalisation a été spontanée, sans avoir adopté une méthode de cultivation. Je pense a Ramana Maharshi avec son illumination spontanée à l'âge de 16 ans et sa célèbre impartialité envers les croyances des gens... mais aussi aux écrits du bien connu Ekhart Tolle, et les témoignages de chercheurs qui n'ont pas suivi une voie conventionnelle, comme U.G Krishnamurti (à ne pas confondre avec le bien plus célèbre Jiddu).
Si le libéralisme trouve autant de détracteurs, ce n’est pas parce que la liberté d'entreprendre n’est pas une bonne chose, mais parce qu’elle ne s’arrête généralement pas là. Elle se prolonge également en la liberté d'entreprendre l'exploitation de son prochain et en l’accaparement des ressources communes. L'exploitation de son prochain est une formidable entreprise. Les possibilités d'améliorer le rendement du capital humain sont sans limite. Cela provoque un sentiment d'injustice qui est forcément utilisé par des gens qui ne sont pas plus portés par l'esprit de justice que ceux qu'ils dénoncent. Ce sentiment d'injustice est-il pour autant illégitime ? Et comment faire comprendre à ceux qui veulent tout qu'ils ne manquent déjà de rien ?
RépondreSupprimerOui, mais il ne faut pas confondre le libéralisme comme doctrine de l'économie et le libéralisme comme doctrine de la société civile et des libertés politiques. En effet, il est tout à fait possible d'être un libéral, sans être pour autant partisan du libre-échange sans limites, mais plutôt opter pour un Etat-providence qui régule le marché.
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