vendredi 13 octobre 2023

Du cosmos au Soi, du Soi au cosmos



"Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'univers et les dieux".

Le célèbre précepte semble dire que la clé de la connaissance du monde est la connaissance de soi. Le chemin de la sagesse, le désir de savoir, la philosophie, va ainsi du sujet à l'objet. Ce chemin prend à contresens notre tendance à l'extraversion. La voie de la divinisation consiste à retourner son regard, car la source est en soi, non au dehors. A partir de ce dedans absolu reconnu au centre de soi, le philosophe parcoure à nouveau le chemin qui mène vers l'extérieur, mais à partir de la source divine cette fois. Il s'agirait donc de revenir à la Source en soi, pour ensuite faire l'expérience de toutes les étapes qui mènent à la manifestation du monde. 

Autrement dit, ce précepte a un sens, parce que la conscience crée le monde. Contrairement à la croyance commune, la conscience n'est pas engendrée par le monde, mais c'est bien l'univers qui est enraciné dans le centre de soi, comme les rayons d'un cercle se rejoignent en un seul et même centre.

Cependant, cet idéal n'est pas le seul. En parallèle à lui, en effet, nous trouvons la maxime inverse : "connais le monde et les dieux, et tu te connaîtras toi-même". C'est-à-dire : contemple l'ordre universel et tu comprendras quelle est ta juste place. Et tu t'y tiendras, et tu l'aimeras ou, à défaut, tu la supporteras. S'exerce à contempler l'infini du temps, revient à relativiser nos soucis, nos passions, nos obsessions, car tout cela n'est qu'un point infime au prix de l'immensité cosmique. D'une conscience égocentrée à la conscience cosmique, le mouvement est contraire à celui du précepte de Delphes. Pourtant, il est autant, voire plus, attesté. Selon Pierre Hadot, cette contemplation du cosmos est même l'essence de la sagesse antique.

En tous les cas, il est frappant de voir que l'important, dans ces deux mouvements inverses, vers l'intérieur et vers l'extérieur, est d'aller jusqu'au bout. Si je vais vers l'intérieur, mais sans aller au bout, je reste dans le psychisme et l'égocentrisme. Si je vais vers l'extérieur, mais sans aller au bout, je reste dans le monde des soucis immédiats, dans mon environnement, sans "sortir de mon trou" comme dit Kant.

Dans tous les cas donc, il importe d'aller au-delà des limites habituelles : limites intérieures de l'âme, limites extérieures du paysage familier, pour tendre vers l'un central et vers l'un qui englobe tout. Du reste, n'est-ce pas là aussi le sens de la parole "tu es cela" ou "tu es ainsi" (tat tvam asi) de l'Upanishad indienne ? La vérité de l'objet est la vérité du sujet. "La voie lactée au-dessus de moi, la conscience morale en moi". Dès lors, spiritualité (subjective) et science (objective) ne s'opposent plus. Parties en directions opposées, elles se rejoignent à l'infini. Voilà pourquoi la contemplation du cosmos est aussi un exercice spirituel, une pratique d'émancipation. En portant mon regard vers ce qui est plus vaste que moi, je m'affranchis, au moins provisoirement, des limites de mon moi habituel mais réducteur. L'essentiel est d'aller à l'infini. Les portes sont grandes ouvertes. 

Un exemple :



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