samedi 14 juin 2025

Sur "Le yoga de la Déesse"

 


Sur mon livre "Le yoga de la Déesse" qui vient de paraître aux éditions Almora :

"Voici un livre essentiel sur un enseignement oral remarquable, celui de Yoginīs, ayant vécu il y a plus de mille ans, enseignement qui pourrait être l’une des sources du shivaïsme non duel du Cachemire. Cet enseignement oral nous est parvenu par Nişkryānanda, son disciple Vidyānanda et leurs élèves, à travers quatre textes, quatre versions d’un même enseignement oral reçu directement par Nişkryānanda de la Yoginī Bhairavī. C’est la traduction commentée de cet enseignement retrouvé à partir des quatre textes que nous propose David Dubois.

« Les Yoginīs, nous dit-il, ne sont pas de simples figures mythiques : elles incarnent une dualité redoutable. Créatures redoutées, presque vampiriques, elles sont aussi les gardiennes des secrets de l’éveil spirituel et des mystères de la vie intérieure. Ces femmes divines habitent souvent des lieux marginaux et mystérieux, comme les champs de crémation, des espaces liminaux où la transformation est à l’œuvre. »

Il identifie ce qui typifie ce courant très singulier parmi le « Grand Arbre du Tantra » :

« L’idée à retenir est donc celle-ci : tout est conscience en extase et c’est en toute liberté que la conscience sans limites se limite elle-même, se manifeste comme corps et s’identifie à lui. Par rapport à d’autres traditions non dualistes de l’Inde, qui, certes, affirment toutes que « tout est conscience », le tantra met donc l’accent sur la volupté, la liberté et l’extase – l’expansion de soi par l’excitation des sens. »

Préalablement à l’étude de l’enseignement des Yoginīs, David Dubois met en perspective leur place dans différents courants de l’Inde, différentes écoles, Kaula en particulier.  Il prend aussi le temps de rappeler l’importance du son et de la lettre A, essentiels dans les traditions de l’Orient mais aussi de l’Occident.

La plus grosse partie de l’ouvrage rassemble Les Symboles secrets des Yoginīs ou Enseignement secret des Yoginīs, ou encore Chummās, et leur Elucidation par Nişkryānanda. L’enseignement est d’une grande beauté et d’une grande profondeur. Les notes et commentaires de David Dubois permettent de saisir, sans doute seulement en partie, la subtilité propre au sanskrit. Sans son immense travail érudit, généreux et rigoureux, nous passerions à côté d’une matière exceptionnelle.

Cet enseignement est suivi par Les enseignements du Maître Fou et par les Kaula-sūtras.

Ces textes ne se lisent pas, ils se vivent, se laissent découvrir, ou non, cœur à cœur. David Dubois insiste :

« Voilà pourquoi les pratiques et les techniques ne peuvent mener à l’éveil. Celui-ci ne dépend de rien d’autre que de la conscience divine. Dans le Tantrāloka, Abhinava Gupta explique cette doctrine radicale de la liberté absolue. L’éveil ne dépend pas du karma, il n’a rien à voir avec le mérite, la pureté ou la maturité individuelle. Il ne dépend que de ce dont tout dépend : cette conscience, cette présence de l’instant, à la fois évidente et mystérieuse, indéniable et insaisissable. »

L’enseignement des Yoginīs ne cherche pas une solution intellectuelle élégante aux paradoxes et contradictions qui se multiplient au sein de l’expérience duelle, ni leur négation. Tout au contraire, les Yoginīs invitent le chercheur à les vivre pleinement telles qu’elles sont.

« La rencontre avec les Yoginīs, écrit David Dubois, est donc difficile, risquée et rare. Mais ses fruits sont sans pareil : l’éveil absolu. »"

www.david-dubois.fr

https://lettreducrocodile.over-blog.net/2025/06/le-yoga-de-la-deesse.html

Le Yoga de la Déesse. Les enseignements secrets des Yoginīs par David Dubois. Editions Almora, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

www.editions-tredaniel.com/

mardi 10 juin 2025

Pourquoi mystique ? Ecouter pour entendre

 


Comment faire pour vivre le silence intérieur ?

-Pas la simple absence de bruit,
mais la véritable transparence intérieure :
l’arrêt des bavardages, de cette radio
qui, depuis l’intérieur de nous,
tourmente, pour ainsi dire, sans interruption.

Eh bien, en écoutant.
Parce que, quand j’écoute,
je dois faire silence.
Je ne peux pas entendre sans me taire,
sans rester muet de mon côté.
Or, muet est un mot qui est dérivé de la même racine grecque
que les mots mystique et mystère.
Être mystique,
cela ne veut pas dire produire des miracles
ou des phénomènes surnaturels —
non, cela n’a rien à voir.
Être mystique,
cela veut dire être muet.
Être muet dans l’écoute du mystère.
C’est ce que nous rapporte un auteur anonyme
d’un petit livre de pratique de la théologie mystique :
la connaissance du divin
par le silence intérieur,
par l’écoute, l’audition.
Et en effet, dans ce petit livre paru à Liège en 1709,
il nous est rappelé qu’il y a quelque chose à entendre
pour vivre le silence.
Je me tais.
J’écoute.
Et j’écoute pour entendre.
Et j’entends, parce qu’il y a quelque chose à entendre.
Et ce quelque chose, c’est une parole,
c’est un Verbe.
Si je cherche à faire silence,
si j’aspire au silence
seulement comme négation des bruits extérieurs,
ou même du bavardage intérieur —
seulement comme une négation
dans laquelle je me reposerais —
eh bien, mon silence sera limité.
Ce qui est bien plus puissant,
c’est d’être d’abord convaincu qu’il y a une parole.
Que, dans le silence,
ce n’est pas simplement une absence de bruit ou de pensée qui se vit,
mais une présence.
Une parole.
Un Verbe.
Un enseignement.
Un véritable enseignement.
On dira aussi : un chant,
une mélodie,
avec son rythme, sa pulsation subtile.
Et cet anonyme distingue ainsi ce qu’il appelle
l’oraison des mystiques —
c’est-à-dire cette prière intérieure,
ce geste intérieur d’écoute et de silence.
L’oraison des mystiques, dit-il,
a ceci de différent de l’oraison ordinaire,
donc de la prière vocale,
qu’elle se fait sans aucune parole articulée de la langue,
comme se font les prières vocales dans le Notre Père ;
là, il n’y a pas de parole.
Et sans aucun discours de la raison :
il n’y a pas de pensée,
pas d’énonciation intérieure,
ainsi que se font les prières de méditation.
(Méditation : ici, non pas au sens moderne,
mais au sens classique,
c’est-à-dire : réflexion sur des thèmes théologiques
ou des questions philosophiques.)
Il poursuit :
« Car comme les mystiques s’accoutument à vivre
en la présence de Dieu d’une manière nue,
sans user que très rarement ni de parole ni de raisonnement envers Dieu,
par un principe de respect qu’ils ont pour cette adorable Présence,
et de crainte de troubler la pureté de leur acte
par de vaines idées de leur entendement
et par de grossières affections de leur cœur,
qu’ils jugeraient tout à fait indignes
de la majesté de cet Être suprême,
quelque bonnes qu’elles leur paraissent,
ils tâchent surtout de se mettre dans cette disposition
pendant leur oraison,
s’y présentant devant Dieu avec un profond et respectueux silence,
comme un pauvre nécessiteux
en faveur de qui la seule indigence
sollicite la divine miséricorde. »
Eh bien, là, ce qu’il veut dire — avec son langage, à sa manière,
dans le style de son époque —
c’est justement qu’il y a quelque chose à entendre.
Ce qu’il appelle Dieu, l’Être suprême, la Majesté,
c’est l’enseignement,
c’est la réponse à nos questions,
et c’est aussi le remède à nos troubles.
Mais, pour cela, encore faut-il en être convaincu.
Faire confiance à cette promesse :
que quelque chose se dit dans le silence.
Que ce n’est pas une simple absence.
Il y a véritablement une parole à entendre.
Et donc, à écouter.
Et donc, devant laquelle je suis invité à me tenir muet, nu,
recevoir cet enseignement sans parole.
Voilà la théologie mystique.
L’oraison des mystiques.
Voilà le silence intérieur.

David Dubois
www.david-dubois.fr




Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...