Comment faire pour vivre le silence intérieur ?
-Pas la simple absence de bruit,
mais la véritable transparence intérieure :
l’arrêt des bavardages, de cette radio
qui, depuis l’intérieur de nous,
tourmente, pour ainsi dire, sans interruption.
Eh bien, en écoutant.
Parce que, quand j’écoute,
je dois faire silence.
Je ne peux pas entendre sans me taire,
sans rester muet de mon côté.
Or, muet est un mot qui est dérivé de la même racine grecque
que les mots mystique et mystère.
Être mystique,
cela ne veut pas dire produire des miracles
ou des phénomènes surnaturels —
non, cela n’a rien à voir.
Être mystique,
cela veut dire être muet.
Être muet dans l’écoute du mystère.
C’est ce que nous rapporte un auteur anonyme
d’un petit livre de pratique de la théologie mystique :
la connaissance du divin
par le silence intérieur,
par l’écoute, l’audition.
Et en effet, dans ce petit livre paru à Liège en 1709,
il nous est rappelé qu’il y a quelque chose à entendre
pour vivre le silence.
Je me tais.
J’écoute.
Et j’écoute pour entendre.
Et j’entends, parce qu’il y a quelque chose à entendre.
Et ce quelque chose, c’est une parole,
c’est un Verbe.
Si je cherche à faire silence,
si j’aspire au silence
seulement comme négation des bruits extérieurs,
ou même du bavardage intérieur —
seulement comme une négation
dans laquelle je me reposerais —
eh bien, mon silence sera limité.
Ce qui est bien plus puissant,
c’est d’être d’abord convaincu qu’il y a une parole.
Que, dans le silence,
ce n’est pas simplement une absence de bruit ou de pensée qui se vit,
mais une présence.
Une parole.
Un Verbe.
Un enseignement.
Un véritable enseignement.
On dira aussi : un chant,
une mélodie,
avec son rythme, sa pulsation subtile.
Et cet anonyme distingue ainsi ce qu’il appelle
l’oraison des mystiques —
c’est-à-dire cette prière intérieure,
ce geste intérieur d’écoute et de silence.
L’oraison des mystiques, dit-il,
a ceci de différent de l’oraison ordinaire,
donc de la prière vocale,
qu’elle se fait sans aucune parole articulée de la langue,
comme se font les prières vocales dans le Notre Père ;
là, il n’y a pas de parole.
Et sans aucun discours de la raison :
il n’y a pas de pensée,
pas d’énonciation intérieure,
ainsi que se font les prières de méditation.
(Méditation : ici, non pas au sens moderne,
mais au sens classique,
c’est-à-dire : réflexion sur des thèmes théologiques
ou des questions philosophiques.)
Il poursuit :
« Car comme les mystiques s’accoutument à vivre
en la présence de Dieu d’une manière nue,
sans user que très rarement ni de parole ni de raisonnement envers Dieu,
par un principe de respect qu’ils ont pour cette adorable Présence,
et de crainte de troubler la pureté de leur acte
par de vaines idées de leur entendement
et par de grossières affections de leur cœur,
qu’ils jugeraient tout à fait indignes
de la majesté de cet Être suprême,
quelque bonnes qu’elles leur paraissent,
ils tâchent surtout de se mettre dans cette disposition
pendant leur oraison,
s’y présentant devant Dieu avec un profond et respectueux silence,
comme un pauvre nécessiteux
en faveur de qui la seule indigence
sollicite la divine miséricorde. »
Eh bien, là, ce qu’il veut dire — avec son langage, à sa manière,
dans le style de son époque —
c’est justement qu’il y a quelque chose à entendre.
Ce qu’il appelle Dieu, l’Être suprême, la Majesté,
c’est l’enseignement,
c’est la réponse à nos questions,
et c’est aussi le remède à nos troubles.
Mais, pour cela, encore faut-il en être convaincu.
Faire confiance à cette promesse :
que quelque chose se dit dans le silence.
Que ce n’est pas une simple absence.
Il y a véritablement une parole à entendre.
Et donc, à écouter.
Et donc, devant laquelle je suis invité à me tenir muet, nu,
recevoir cet enseignement sans parole.
Voilà la théologie mystique.
L’oraison des mystiques.
Voilà le silence intérieur.
David Dubois
www.david-dubois.fr
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