L’Essence de l'éveil (Bodha-sâra) est un recueil sur la non dualité récemment traduit en anglais. Le texte sanskrit et son commentaire sont disponibles ici. La non dualité y est suggérée dans une démarche éclectique et pleine d'inventions.
Voici un petit poème tiré de ce texte assez long, contemporain de la Révolution de 1789 :
19 : Six vers sur une pierre
N’est-elle pas l’empreinte des lumières
De millions de lunes innombrables ?
Je la voie, cette Vache faite de roche[1],
Forme même d’une délectation toute fraîche. 1
Elle ne chasse pas, ne fait aucun mal.
Elle ne dévore ni ne boit[2].
Naturellement limpide,
Elle se tient là, joyeuse et comblée. 2
Dans ses crevasses et ses cratères[3],
Des myriades d’univers se perdent[4].
La présence de cette Vache faite de pierre de lune[5]
Ne finit jamais. 3
Les formes des êtres
Qui vont et qui viennent, qui se pressent, qui dansent et qui rient
Se reflètent en elle,
Tandis qu’elle reste-là, présente. 4
Bien qu’il n’ait aucun goût, son lait est recherché.
Bien qu’elle soit sans qualité, elle est chère aux sages.
Bien qu’elle soit sans formes, elle est désirée éperdument.
Moi, je la vois mais je ne l’entends pas[6]. 5
Deviens un veau fait de cette (même) roche
Et, avec la langue de la science de l’Immense,
Bois (au pis de cette) Vache de pierre
Qui ruisselle toujours du nectar immortel. 6
[1] Epithète de la lune. Dans la mythologie indienne, la lune est source de pluie nourricière, comme la vache est source de lait et de fraicheur. Le soleil, féminin, chauffe et assèche, manifestation du temps et de la mort. La lune, masculin, nourris, rafraîchit et contrecarre les effets dévastateurs du soleil. Dans le corps humain, le soleil est le feu sexuel et aussi celui de la libido. La lune est le cerveau. Mais ici, la lune est prise au féminin. Elle symbolise la conscience, source de tous biens, telle une « vache-qui-exauce-les-souhaits » (kāma-dhenu).
[2] Contrairement au soleil qui se nourrit du nectar lunaire.
[3] « Dans les lignes et les pores ».
[4] Vibhrāntāḥ : sont égarés, perdus en son sein abyssal.
[5] « Pierre du Cachemire ».
[6] Faut-il comprendre, comme les traducteurs anglais, que l’A. voit directement la conscience, au lieu de simplement en entendre parler à travers les enseignements védântiques ?
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