Le
bouddhisme a beaucoup emprunté au shivaïsme. Plus le bouddhisme tantrique s'est
développé dans des systèmes toujours plus ésotériques, plus sa dette fut
importante. Et rarement, voire jamais, reconnue.
Néanmoins,
la dette du shivaisme à l'égard du bouddhisme n'est pas moindre.
Utpaladeva
et surtout Abhinavagupta reconnaissent ce que la Reconnaissance (pratyabhijnâ)
doit à la pensée de maîtres bouddhistes comme Dharmakîrti, Dharmottara ou
Shankarânanda. La notion de "non-duel" (advaya) est d'origine
bouddhiste. De même les notions de conscience "autolumineuse"
(svayamprakâsha) et de "conscience de soi" (svasamvedana)
apparaissent d'abord dans des controverses entre bouddhistes. Que seraient les différentes
formes de non-dualisme non-bouddhistes sans ces notions ? A quoi donc les pensées brahmanistes ressembleraient-elles sans l'aiguillon bouddhiste ?
La
notion de Mâyâ au sens d'illusion est développée d'abord dans des textes
bouddhistes, puis dans le Vedânta via Gaudapâda.
Le
vocabulaire de la méditation formulé dans les Yogasûtra est manifestement d'origine
bouddhiste (vitarka, vicâra, dharmamegha...).
La
tradition religieuse la plus secrète aux yeux des shivaïtes non-dualistes est le
Kâlîkrama. Or ses tantras sont les premiers tantras non-bouddhistes à employer des
expressions non-dualistes explicites comme "non-duel" (advaya) "conscience
de soi" (svasamvitti), "vide de nature propre" (nihsvabhâva), "vide
d'essence" (nihsvarûpa), "transparence" (vishuddhi), etc. qui sont
d'origine bouddhiste.
De
même - chose moins connue - des textes aussi prestigieux que le Vijnâna Bhairava ou la Svabodhodayamanjarî - eux aussi rattachés
au Kâlîkrama - sont pétris de termes bouddhistes, d'instructions typiquement bouddhistes,
voire de versets directement récoltés dans des textes bouddhistes. A contrario, l'absence d'instructions tirées
de textes non-dualistes de type védântique est frappante dans ces textes.
Enfin,
le tantrisme post-islam (c. 1200) est lui aussi dérivé, même dans son iconographie,
ses mantras et sa liturgie, de textes bouddhistes. Par exemple, le système très
populaire des Dix Grandes Sciences (dasamahâvidyâ), centré sur Târâ, a sa source
dans des tantras bouddhistes lesquels avaient empruntés beaucoup au shivaisme. De
même, la tradition baul (dans ses versions hindoues et musulmanes) est l'héritière
directe des mahâsiddha bouddhistes de l'Âge d'Or.
L'interdépendance,
encore et toujours.
Voici
une petite vidéo qui présente le sanctuaire de Târâ :
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