Quand l'esprit est trop agité,
je ne veux être que sensation.
Et je dis : "le concept est mauvais ;
seul le percept est bon".
Quand le corps souffre,
j'ai tendance à me réfugier dans l'esprit.
Et je dis : "le corps est illusion,
seul l'esprit est vivant".
L'histoire de la spiritualité oscille
entre ces deux extrêmes.
Aujourd'hui, le pendule
est du côté du corps, du "ressenti"
idolâtré jusqu'à l'extrême.
Mais pendant des siècles,
on a méprisé le corps au nom de l'esprit.
La spiritualité actuelle est donc une réaction.
Au-delà de ces modes passagères :
Faut-il se séparer d'une partie de soi
pour vivre l'autre, jugée meilleure ?
La spiritualité consiste t-elle à s'amputer ?
La "tête" et le "coeur" sont-ils vraiment incompatibles ?
Cela correspond en partie à mon expérience,
c'est vrai. Quand la télé est allumée
depuis trop longtemps, on a envie de l'éteindre.
Et quand il y a trop de silence, pesant,
on aspire à n'importe quel bavardage.
C'est une addiction qui nous fait croire
que le mieux est de jeûner,
ou bien au contraire de se goinfrer.
Cette logique du "tout ou rien"
est très présente dans nos vies.
C'est le samsara, la roue
de l'attraction et de l'aversion.
Goûts et dégoûts se suivent.
Nous sommes tous un peu "bipolaires".
Le silence intérieur affine nos sens et notre esprit
à un point tel, que nous retournons ensuite
avec avidité vers les choses, vers la pensée
et l'imagination.
Mais ces dernières sont creuses, vaine agitation,
si bien que nous aspirons bien vite
au silence intérieur, au calme.
A la ville, nous rêvons du désert.
Au désert, la ville nous manque.
Mais pourquoi ne pas remettre en question
cette opposition ?
Dans mon expérience, le silence affine les énergies.
Si je bloque trop, ou trop longtemps,
alors l'action, la pensée, l'imagination,
reviennent avec force,
et je ressens une sorte de viol du silence,
parfois un gâchis, un sacrilège.
Mais si je réalise que la pensée et l'imagination
sont mes pouvoirs,
comme mes yeux, mes bras et mes jambes,
alors je ne les bloque pas, ou pas trop.
Et la pensée revient, mais sereine.
Ma raison ne divague plus,
elle est accordée, elle sonne juste, afutée,
comme un outil, souple et efficace.
Je ne la sens plus, pas plus que l'imagination.
Le silence domine, imbibe, ajuste
chaque pensée, chaque image,
comme une musique bien cadencée.
L'espace infuse tout.
De sorte que tout est là,
mais apaisé, allégé, illuminé par l'espace.
Rendu fluide, malleable,
et fort aussi, au besoin.
Moins de couleurs, mais plus vives.
Moins de bruits, mais plus clairs.
Moins de bavardage, mais plus décisif.
Inutile de choisir entre la tête et le coeur.
Tout est là, palpitation de silence,
fraîcheur d'espace.
Tout est possible, disponible,
sans être attaché à aucune idée,
sans rejeter non plus la créativité.
Vivre entier.
Vivre de silence, de lumière, de volume.
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