Il est des êtres si profondément habités par l’amour qu’ils n’ont besoin ni de rituels, ni de mantras, ni de techniques savantes pour rencontrer le divin.
Pour eux, l’Ami — ce nom secret de Śiva — apparaît naturellement, sans effort, sans délai. Cet Ami, c’est la forme que prend le Soi, la conscience suprême, quand elle se montre à nous dans son intimité. Ce n’est pas un autre. Ce n’est pas un dieu lointain. C’est nous, au plus profond. "Moi, plus moi que moi".
C’est à ces êtres, "ornés d’amour", que le grand poète-philosophe Utpaladeva adresse ses hymnes :
"Hommage soit rendu à l'être orné d'amour
A qui l'Ami apparaît
Sans procédures de visualisation ni récitation
Préalables."
Il ne s’adresse pas aux érudits, ni aux maîtres en visualisations, mais à ceux qui brûlent d’un amour nu, sans calcul, sans but caché. À ceux qui désirent l’union plus que la connaissance, le contact plus que l’analyse, la présence plus que la distance.
L’amour dont il est question ici n’est pas une émotion passagère, ni un élan sentimental. C’est une absorption. Une fusion sans reste. Une joie sans motif, comme si l’on plongeait dans la mer et que l’on devenait la mer. L’Ami — Śiva — se révèle alors non pas parce qu’on l’appelle, mais parce qu’on s’efface. Parce que l’on cesse de vouloir, de chercher, de faire. Parce qu’on devient transparent. Libre. Vaste. Aimant.
C’est cela, la voie qu’Utpaladeva et ses disciples, comme Abhinavagupta et Kṣemarāja, ont cherché à transmettre : une voie dans laquelle le plus grand bien n’est pas un résultat, mais une saveur. La saveur d’être uni au divin dans une étreinte intérieure, silencieuse, spontanée. Ce n’est pas une méthode, c’est une grâce. Et cette grâce naît, non d’une pratique imposée, mais d’un retournement du cœur vers ce qu’il y a de plus simple : la conscience nue, libre, amoureuse.
L’amour véritable n’a pas d’objet. Il n’attend pas de récompense. Il n’a pas d’autre fruit que lui-même. Il n’est pas un chemin vers quelque chose, mais un feu qui consume tout ce qui faisait obstacle : les attentes, les doutes, les techniques, les images mentales. Ce feu, c’est la liberté incarnée. La liberté de ne pas avoir besoin d’autre chose que ce qui est là. Maintenant.
Dans cette tradition, héritée des yoginīs et transmise à travers les chants, les aphorismes et les silences, le corps n’est pas un ennemi. Il est le sanctuaire. L’espace vivant où s’éprouve l’union. Il est l’autel de l’amour, non pas d’un amour rêvé ou projeté, mais d’un amour vécu — viscéralement, sensuellement, existentiellement. Car c’est par le corps, par la chair, par le souffle et par les tremblements, que la reconnaissance du Soi se donne.
Ainsi, l’adepte amoureux — celui qui est "orné" de cette offrande intérieure — n’a besoin d’aucune procédure. Il n’a pas à "visualiser" quelque chose, car il est déjà dans la vision. Il n’a pas à réciter quoi que ce soit, car tout en lui est chant. Ce qu’il découvre, c’est que le divin ne vient pas. Il est déjà là. Il n’a jamais été séparé. Il est l’espace même dans lequel surgissent toutes les perceptions. Il est ce qui demeure quand tout disparaît.
Il n'attend pas la permission d'aimer. Nul ne peut vous délivrer un permis d'être. Pas de certification d'amour.
Alors, pourquoi tant de pratiques ? Pourquoi tant de méthodes ? Parce que notre esprit croit à la séparation. Parce que nous sommes "contractés", enfermés dans l’idée que nous devons "atteindre" quelque chose. Mais l’amour, le vrai, n’atteint rien. Il révèle. Il fond les frontières. Il brûle les croyances. Il libère l’être.
Et dans cette liberté, tout devient sacré : une respiration, une caresse, une larme, une attente. Car tout est conscience. Et la conscience est Śiva. Et Śiva, c’est l’Ami. Et l’Ami, c’est ce que je suis, quand je cesse de vouloir être autre chose.
Si cela vous parle, un parcours en ligne de neuf mois commence bientôt : voir lien en commentaire.
David
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