Ouverture
Om
C’est avec une excitation indicible
Et pénétré de ce tendre amour qui m’attache aux sages
Que je vais peindre maintenant l’essence de l’éveil
Après l’inauguration d’usage. 1
Nous célébrons le roi des multitudes divines,
Ce pouvoir qui fait table rase des obstacles,
Puissance du Soi suprême
Plein à ras-bord du nectar de possibilités sans fin. 2
Elle repose en notre vraie nature.
Elle est manifestation et prise de conscience (de cette manifestation) :
Avec amour, j’invoque
Cette Puissance de connaissance douée d’éloquence[1]. 3
Je fais ma révérence aux maîtres.
Leur vraie nature est félicité ultime,
Eux dont la bonté est une fontaine de nectar inépuisable[2]
Capable d’éteindre les trois souffrances[3]. 4
[1] Sarasvatī. Allusion aussi à la déesse Parā intégrée à la liturgie de Śrīvidyā. Elle est la conscience comme Parole et source de toute éloquence poétique ou rhétorique. La conscience est la Parole la plus haute et la plus efficiente, en même temps qu’elle dépasse les paroles humaines (parā-vāk : « parole supérieure » mais aussi « au-delà de la parole »).
[2] Brahmā-amṛta : le nectar qu’est l’absolu, l’Immense qui croît sans fin et en qui nous pouvons nous renouveler à jamais. L’intérêt de ce poème est qui revisite avec originalité et beaucoup d’esprit des thèmes traditionnels et des formulations classiques.
[3] Triade traditionnelle : les souffrances d’origine interne (adhyātma), les souffrances d’origine externe (adhibhautika) et les souffrances d’origine surnaturelle (adhidaivika).
12. Yoga de l'absorption
L'esprit inquiet ne connaît pas
Le bien être de la quiétude.
Pour s'en apercevoir,
Ceux qui sont silencieux montrent l'absorption (laya). 1
Śiva a expliqué à la Déesse
D'innombrables méthodes d'absorption.
Comment les connaître ? Comment les décrire ?
Cependant, je vais en décrire quelques unes. 2
Au début du sommeil et à la fin de la veille,
A la fin du sommeil et au début de la veille
Une absorption de l'esprit se produit (naturellement).
C'est à ce moment que l'on doit méditer sur le Soi. 3
Quand un porteur laisse tomber son fardeau,
Il se détend.
C'est à ce moment qu'il faut rendre hommage à Śiva
En regardant le Soi. 4
A chaque fois que l'esprit
Se détend
Il faut méditer le Grand Seigneur.
C'est cela, rendre hommage à Śiva. 5
Quand on cultive l'amour
Pour toutes choses, qu'elles soient désirées ou non,
L'esprit est sans désir ni haine.
C'est cela, rendre hommage à Śiva. 6
La souffrance est le plus grand hommage,
Par exemple la souffrance d'une conduite droite[1].
Le mal être est l'hommage suprême,
Par exemple le mal être suscité par la méchanceté. 7
La dépression elle-même est le plus grand hommage.
Déprimé, l'esprit se résorbe.
La peur est l'adoration ultime
Car la Révélation dit que "Le (Soi a crée tout cela) parce qu'il avait peur (d'être seul). 8
Donner est un hommage sublime
Quand on donne au Soi suprême.
Ne pas donner est l'hommage ultime,
Si cela apaise l'esprit. 9
La maladie est l'hommage suprême,
Car les maladies détruisent les péchés.
La santé est hommage suprême
Pour autant qu'elle est un moyen de réaliser la délivrance. 10
L'action est un hommage sublime
Si l'on agit seulement pour Śiva.
L'inaction est la dévotion suprême
Quand elle est contemplation immobile. 11
[1] caraṇam. Désigne aussi la pratique de l'ascèse.
Narahari, L'Essence de l'éveil (Bodhasāra), Benares Sanskrit Series, Vidyavilas Press, 1904
magnifique !
RépondreSupprimerquelle liberté ! quelle créativité !
je trouve particulièrement drôle ceci : "Le (Soi a crée tout celà ) parce qu'il avait peur ( d'être seul)"
merci.
et également pour votre livre sur Abhinavagupta