Alors que la tradition du
dzogchen a pris racine en Occident, elle semble avoir entraîné deux réactions
assez différentes. Au mieux, se trouve induite une reconnaissance de l'état
naturel de l'être - la nature de l'esprit telle qu'elle est connue dans son
expérience directe. Adoptant la "posture cohérente", se tirant pour
ainsi dire eux-mêmes par les cheveux, ceux qui connaissent la Grande Complétude
en écoutant simplement une introduction à celle-ci reconnaissent l'espace de la
pure présence. A côté de cela, il y a une autre réaction, celle des gens qui
approchent la réalité de manière timorée, celle du respect et de la dévotion.
Ils vont à la rencontre des lamas qui détiennent la lignée tels des quémandeurs
à la cour d'un despote oriental, cognant leur tête sur le sol, mendiant une miette
du festin. Puis, emportés à un niveau élevé de clarté par la grâce du lama, ces
suppliants baignent dans la splendeur jusqu'à revenir vers cette source pour en
redemander.
La première réaction rend possible
la reconnaissance immédiate du dzogchen radical, tandis que la seconde est une prémisse
de la voie graduée plus tardive, d'un dzogchen élaboré culturellement. La première
s'appuie sur l'expérience existentielle et sur les préceptes de l'atiyoga [=dzogchen] contenues
dans les textes anciens, et la seconde dépend d'une relation avec le gourou-père,
d'une pratique de méditation de type mahāyoga[1] et d'une
vie religieuse. Dans le premier cas on présuppose que la conscience non-duelle de
la pure présence est l'état naturel de l'être et que rien ne peut être fait pour
atteindre ce qui est déjà la réalité. Dans le second cas, le présupposé le moins
assuré et le plus humble sur nous-mêmes est que nous sommes désespérément perdus
dans le bourbier de cette naissance, et que malgré tout nous avons aperçu une lumière
éclatante là-bas dehors, au loin à grande distance, et nous avons repéré un guide
honnête capable et volontaire pour nous diriger sur le chemin qui y mène. La vision
qui préside au second chemin - que nous vivons dans le monde relatif des ombres
et que nous cherchons le royaume définitif de la lumière - est en apparente contradiction
avec la vision du dzogchen radical - que nous sommes déjà dans cette réalité non-duelle
inexprimable dans laquelle absolu et relatif ne font qu'un. La différente semble
aussi fondamentale qu'entre le plâtre et le fromage : les voies graduelles et immédiates
sont incommensurables.
Keith Dowman, Maya Yoga, Vajra Publication, pp. 13-14
[1]
Le bouddhisme tantrique classique, avec ses rituels, ses récitations et ses visualisations,
le tout fondé sur des représentations essentiellement féodales.
Peut-être que les seconds n'ont pas encore la maturité des premiers, et doivent passer par la désillusion pour franchir cette étape !?
RépondreSupprimerMais le risque reste effectivement grand d'une dérive sectaire et d'un peu plus d'obscurcissement.