Le vide est célébré, espéré, recherché, et pourtant redouté.
Nous sommes prêts à payer pour "faire le vide" ; et pourtant, nous sommes aussi bien prêts à payer pour "remplir le vide".
Comment expliquer cette contradiction ?
C'est qu'il y a, sans doute, deux vides.
L'un est l'absence de pensées, de choses, de personnes. Comme une place vide. Il dépend de la présence et de l'absence des choses.
dans la pratique de la méditation, ce vide résulte de l'effort. Il n'est pas découvert, mais construit.
Avec de l'entraînement, il se prolonge. Presque à volonté. Il est perçu. On s'en souvient. On le cherche et le recherche, on le perd et on le retrouve. Il apporte du repos aux nerfs. Il est sûrement un passage important de la vie intérieure. Tôt ou tard, chacun est appelé à en passer par lui.
Mais aussi, ce vide ne connaît pas grand'chose. En lui, je ne me connait pas. Je le contemple, sans me contempler moi-même. Il n'y a pas de retournement de l'attention. Quand il s'impose sans être désiré, ce vide peut être lourd, stérile, une malédiction.
L'autre est la présence à soi. De qui ? - De soi. Qui est "soi" ? - A quoi bon répondre à une question dont la réponse est à la fois si évidente et si insaisissable ? Ce vide est une paix, mais une paix qui ne dépend par de l'absence ou de la présence des phénomènes intérieures ou extérieurs. Ce vide est un silence de soi. Toute présence à soi implique un silence de soi, comme les deux plateaux d'une balance. Bien sûr, les gens d'expérience me répondront que ce silence de soi est "éloquent", il "parle". Oui, mais sur un tout autre registre que les pensées bavardes, parasites qui empoisonnent l'ordinaire des âmes. Ce silence ne peut être dérangé que par une chose : le manque d'attention à soi. Aucun bruit extérieure, nulle pensée n'est capable de le perturber. C'est ainsi. On peut certes l'expliquer, mais il est bon surtout de le savourer. Ce silence est ignorance mentale, mais savoir de l'âme, sentiment simple d'être connecté à tout, relié à chacun, à chaque instant même et à chaque détail singulier des existences innombrables. Et il ne résulte pas seulement d'un effort. Il y a bien l'Acte de se retourner "vers soi", mais ensuite autre chose prend le relais. Il n'y a plus qu'à acquiescer, bien que cet acquiescement, étrangement, soit plus ardu que n'importe quel effort. Mais surtout, il y y en ce vide une connaissance, un éveil à soi, mais cette connaissance est aveugle du point de vue mental. Une docte ignorance. Je n'y sais rien mentalement, mais j'y accède à ce qui, en moi, sait tout. Le silence mental découvre alors un torrent de connaissance et de lumière. Enfin, ce vide n'est pas le résultat d'un entraînement, le produit d'une habileté, mais une découverte, bien qu'il exige une familiarisation sur la très longue durée. Il nous emporte, nous fond en lui, au moins autant que nous nous fondons en lui, comme si nous embrassions un être cher.
Ce vide a aussi ses souffrances, ses ombres, ses nuits. Il a aussi ses hauts et ses bas, ses aventures et ses épreuves. Il se fait une sorte de travaille intérieur, où toute notre part consiste à dire oui.
Voilà, il y a donc quatre vides. Peut-être les quatre pattes d'une sorte de vache cosmique... qui sait ?
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