Le grand pêché, c'est de prendre la partie pour le Tout.
Faire d'une vérité, fut-elle "ultime", la totalité.
Le Tout est vrai.
Chaque aspect comporte un aspect de vérité, de même que chaque facette d'un diamant réfléchi une partie de la lumière reçue.
La partie, isolée du Tout, est fausse... en partie.
Et, même cette part de fausseté prend part à la vérité du Tout.
Honorer la part de vérité comprise en tout point de vue, cela n'est pas renoncer à la vérité claire, cela n'est pas sombrer dans une nuit où toutes les vaches sont noires. C'est apprendre à recueillir la part de lumière, à discerner la portion de nectar, à reconnaître la Source brillante en toute vision, si sombre soit-elle. Même l'obscurité brille dans et par la Lumière, sans quoi elle ne serait pas même "obscure" !
Chaque point de vue, comme la pièce d'un puzzle.
Dès lors, nous ne pouvons nous satisfaire de l'impersonnelle vérité. Toute vraie qu'elle soit, elle demeure abstraite, détachée, presque désarticulée au reste, c'est-à-dire aux personne et aux infinis qu'elles enveloppent.
Le Chemin est une marche a deux temps, mais il y a toujours un troisième pas, invisible.
Voyez :
D'abord, la vision trouble du vieil homme. L'ego.
Puis l'éveil à l'essence impersonnelle. Je préfère "universelle".
Mais l'histoire ne s'arrête pas là, n'en déplaise.
Car la personne - l'âme ! la vie ! - ne disparaît jamais. Du moins, jamais à jamais.
Ego et éveil ne sont pas deux phases statiques, comme si l'éveil mettait un point final à la personne.
Bien plutôt, l'éveil réveille l'être inconnu que je suis à moi-même, vaste, immense.
Mais cette espace vit. Et en lui, la personne revit. Certes l'ego se transforme, il meurt et renait,
perfectible à l'infini. Et pourquoi, précisément, "à l'infini" ? Parce que l'Immense, lui-même infini,
lui offre cet espace, il est ce qui "donne lieu". Et, pour qui s'éveille à lui, un espace infini s'ouvre, de possibles toujours nouveaux.
Ego.
Eveil.
Réincarnation.
Et encore, éveil.
Et encore, réincarnation.
A l'infini.
L'ego souffre. qui voudrait s'en contenter ?
Mais en rester à l'impersonnel, c'est renoncer à la vie.
C'est faire place nette, mais pour rien.
C'est devenir riche, mais sans en jouir.
C'est se marier, sans consommer.
En un sens, cela est juste : il y a en effet ce paradoxe, que pour m'épanouir comme personne, je dois m'ouvrir et mourir en l'impersonnel. Soit.
Mais reste que l'impersonnel n'est jamais un but en soi.
Il est une fin. Il n'est pas LA fin.
L'ultime n'est pas la fin.
Qui voudrait vivre sans vivre ?
L'Orient adore l'impersonnel.
Mais l'Occident a découvert la personne.
Qui voudrait vivre sans la dignité de la personne ?
Qui est prêt à renoncer à l'individualisme ?
Aux libertés individuelles ?
Du fond de mes tripes, "cela" sent que la personne est bonne. Désirable.
On objectera que c'est l'ego qui "veut" s'incarner.
Je ne le crois pas. C'est l'impersonnel qui désire se personnaliser.
L'universel aspire au singulier.
Sans s'oublier.
L'océan dans une goutte.
L'océan, oui !
Mais dans une goutte. Unique.
Qui reflète, sur sa surface fragile, la totalité océane.
Selon sa manière singulière. Irremplaçable.
En d'autres termes, à côté de la valeur de l'universel,
il faut voir celle du singulier.
L'un devient l'unique, un unique, parce que cet unique a une valeur unique.
Une joie. Une beauté. Une créativité. Une histoire. Des choix.
La vérité impersonnelle, tout ultime qu'elle soit, ne s'achève que dans la personne.
Dieu devient homme pour que l'homme...
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