Depuis la mort de Poonja en 1997,
la non-dualité connait une certaine vogue.
Pourtant, malgré le nombre de livres parus,
malgré le nombre impressionnants d'"éveillés",
la non-dualité reste marginale.
Pour plusieurs raisons.
L'une d'elles est l'aridité de l'approche non-dualiste dominante.
La non-dualité est présentée, le plus souvent, comme un éveil à l'absence d'ego, de libre-arbitre, de volonté, d'individualité, de désir, d'engagement, de passion...
Selon la majorité des membres de ce courant,
il n'y aurait que l'unité. Pas de dualité. Pas de séparation.
Or, je veux certes me libérer, et je veux être libéré de certains aspects de moi, mais pas de "moi" tout court !
Qui peut vraiment aspirer à un tel anéantissement, à un tel suicide ?
A mon sens, cette non-dualité qui nie la dualité, l'individu, ses droits, ses passions, ses prises de risque, n'est pas la véritable dualité. C'est plutôt un dualisme qui ne dit pas son nom : on nous presse en effet de choisir entre l'absence de choix (l'éveil) et une vie de choix (et de souffrances).
Mais c'est un faux dilemme !
La non-dualité, c'est embrasser à la fois l'unité de la conscience universelle et la dualité de la vie personnelle, engagée, risquée et responsable.
Je veux à la fois la sécurité profonde de mon essence véritable,
et
l'aventure pleine de craintes et de tremblements de mon existence individuelle.
Voilà la non-dualité !
Elle n'exclut rien, mais elle inclut tout.
La séparation n'est pas la cause de nos souffrances.
Cette cause, c'est de n'avoir conscience que de la séparation.
Le problème n'est pas la séparation, le problème est le "que".
Le problème est de prendre la partie pour le Tout.
Or, les partisans de la non-dualité actuelle ne voient,
eux aussi,
"que" l'unité, l'absence de dualité.
Certes, c'est merveilleux, mais c'est aussi une partie seulement du Tout.
C'est réducteur. Dualiste.
L'éveil complet, profond,
c'est embrasser les différents points de vue.
Quand j'ai l'audace d'explorer ce paradoxe, je souffre en tant que personne, c'est certain,
mais cette souffrance se ressent sur fond d'unité, d'immensité, de joie profonde.
Et, moi conscience divine sereine, je goûte ma nature humaine terrifiée
dans l'émerveillement, l'humour et l'amour,
ces trois grandes émotions compatibles avec la dualité, l'indivi-dualité, et la souffrance.
Car oui, mes ami(e)s, il faut le dire une bonne fois pour toutes,
clairement et sans ambiguïté :
l'éveil ne supprimera jamais toutes les souffrances.
La séparation seule, c'est une souffrance épouvantable... une fois que l'ego est suffisamment construit.
Mais l'unité seule, dans le rejet de l'ego, est aussi une souffrance, vu qu'on ne peut vivre sans ego.
Par contre, nous pouvons savourer une vie pleine, entière, sans dilemmes stériles, une vie où nos différentes dimensions sont compatibles, et même complémentaires.
Shiva et Shakti,
divin et divine.
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