Le pranayama, ou arrêt du souffle,
est au cœur du yoga.
Arrêt ou allongement, ou encore affinement.
Et le cœur du pranayama
est la rétention : kumbhaka.
Littéralement "faire le vase".
Il existe un livre en sanskrit entièrement consacré
à cet art de la rétention du souffle qui conduit au silence intérieur.
C'est le Manuel de la rétention de Raghouvîra, un varanasien du XIXe siècle.
Il y décrit cinquante-sept sortes de rétentions,
avec une ascension en plus de quarante étapes,
ascension nommée "montagne" (meru), ou plus précisément
la plus haute montagne.
Mais quel en est le secret ?
En Inde, il y a toujours des secrets,
c'est-à-dire des détails importants pour mettre en pratique.
L'Auteur livre ce secret à la fin de son livre,
après avoir annoncé qu'il ne le dévoilerait pas :
procédé rhétorique traditionnel.
Le secret :
Voici le secret ultime :
on atteind vite la réalisation
quand la "montagne"
est ornée de la moudrâ
de la contemplation du délassement
(nommée moudrâ) de Shiva.
(Kumbhaka-paddhati, 284)
Cette moudrâ est une posture, une attitude à la fois physique et mentale.
Contrairement à ce que prône le yoga artificiel et tardif du hatha,
cette moudrâ de Shiva ne consiste pas à loucher vers le Troisième Œil,
mais à se tenir les yeux ouverts, détendus,
les sens grands ouverts, la bouche entr'ouverte,
"comme un vase dans l'eau, plein dehors et plein dedans,
comme un vase dans le ciel,
vide au-dehors et vide au-dedans".
Tout le corps est "délassé", relâché (shithila),
comme endormi.
Cette posture extérieure mène au silence intérieur :
le souffle se pose,
le regard devient fixe,
la langue cesse de s'agiter.
Le corps se fond dans l'espace.
Le ciel mental se fond dans le ciel physique,
et le ciel de la Présence émerge spontanément, sans effort.
Du simple fait d'imiter Shiva,
on est possédé par Shiva,
comme un acteur investi par son personnage
du simple fait de porter son costume et d'adopter son attitude.
Le corps reste comme une montagne,
qui se dissout peu à peu dans l'espace alentour.
C'est le secret du yoga,
"caché dans tous les tantras " (sarva tantreshu gopitâ),
comme le parfum dans la fleur.
Juste un retournement de l'attention,
c'est-à-dire (car c'est pareil en pratique)
un élargissement de l'attention.
Donc le secret du yoga est la rétention ;
et le secret de la rétention est cette moudrâ de Shiva.
Mais après le poids des mots,
le choc des photos :
La moudrâ de Shiva,
version gourou-tout-fou
La moudrâ de Shiva traditionnelle,
illustrée par un (pseudo ?)bouddhiste
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