A présent, l'auteur de cette quintessence du frémissement exprime dans un premier verset l'ensemble de son enseignement. Et pour s'assurer qu'il ira sans encombres jusqu'au bout de la composition de ce livre, il chante un hymne à la divinité de son cœur. Bien que le sens de ce verset aie déjà été suggéré et comme esquissé dans le verset inaugural de mon commentaire, je l'expliquerai à présent en détail :
Nous célébrons ce Bienfaisant,
cette source de la puissance de la roue des énergies
qui, en ouvrant et en fermant ses yeux,
fait apparaître et disparaître le monde. 1
Nous célébrons, nous saluons ce Bienfaisant, ce bienheureux. Le Bienfaisant fait le Bien, le Souverain Bien, le bonheur qui est à la fois jouissance et liberté. D'emblée, l'auteur introduit son sujet : notre essence immaculée, en même temps qu'il parle du monde. De fait, dans notre philosophie, la liberté, c'est être libre en cette vie même, et non pas seulement après la mort. C'est ce que l'auteur affirmera dans ce verset :
Ou bien, celui qui perçoit l'univers comme un jeu,
celui-là est vraiment libre en cette vie.
Cette liberté enveloppe en elle à la fois la délivrance du samsara et le bonheur dans ce samsara, car elle est à la fois connaissance et action, à la fois jouissance et souveraineté, ce que l'auteur dit dans ce verset :
Le yogi réalise que sa nature est
à la fois connaissance et action,
et donc il connait et il fait ce qu'il désire.
Et dans cet autre verset :
Quand tout est réintégré dans l'unique conscience,
alors ce yogi crée et détruit selon ses désirs.
Sa condition est celle de sujet créateur,
devenu le maître de la roue des énergies.
Le Tantra de Bhairava omniscient va dans le même sens :
Ô toi qui est belle entre les belles !
La délivrance, ça n'est pas aller quelque part,
ça n'est pas un lieu !
La délivrance, c'est défaire
le nœud du cœur - l'ignorance.
Dans l'Enseignement sur la délivrance selon Vasishta, on lit aussi :
Le samsara, c'est le mental et ses habitudes,
gâché par les passions.
Ce même mental,
une fois délivré de ces passions,
est le nirvana.
Et chez les Bouddhistes :
En bref, l'esprit pollué par les passions est le samsara.
Les Bouddhas, débarrassés de ces voiles,
enseignent que ce même esprit,
débarrassé de ces passions,
est la délivrance.
Dans la Collection essentielle de Nârada :
Les constructions mentales sont le samsara.
Il n'y a pas d'autres liens
que les constructions mentales.
De même, selon notre auteur, dans son Eveil à notre vraie nature :
L'Un n'est pas divisé par la présence
d'un lien réel, de sa cause et de sa victime.
Bien plutôt, le monde entier
est prisonnier de ses propre constructions mentales !
Et dans la Louange du Soi :
En réalité, il n'y a pas de prison.
Et comme il n'y a pas de prison,
il n'y a pas de libération.
Et comme ce couple est construit par l'imagination,
il n'est rien du tout !
La Révélation des cinq nuits précise :
La pollution de l'esprit est de trois sortes : née spontanément, elle est inconscience naturelle ; née de l'imagination, elle est agitation...
Et dans cet autre passage du même texte :
Dans la mesure exacte où le corps est maîtrisé, on devient le Maître des richesses et donc, on devient omniscient, on devient la conscience qui perçoit tout, on devient la conscience qui crée tous les objets, on devient doué de tous les pouvoirs...
Et voilà pourquoi le mot "maître des richesses" convient à la conscience vibrante :
Selon la tradition des cinq nuits,
Dieu a six richesses :
souveraineté, omniscience,
gloire, abondance,
lucidité et liberté.
Pour les sages, il n'y a rien de plus
à célébrer que ces six fortunes.
Ce genre de célébration n'est rien d'autre que le fait de se laisser posséder par notre essence, qui est aussi l'essence divine. Car dans notre philosophie, nous n'aspirons qu'à l'absence de séparation. Autrement, qui est donc celui qui chante cet hymne ? à qui s'adresse-t-il ? et quel est l'hymne lui-même ? En effet :
à cause de la non-dualité,
la séparation entre l'adorateur et l'adoré
est aussi impossible que
d'aller plus vite que son ombre !
Et il est dit :
Une fois le contenu de la conscience
reconduit à la conscience même,
la conscience se reconnaît.
Que reste-t-il alors de ce contenu ?
Et que pourrait-il y avoir de plus
que la conscience ?
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