Comme aujourd'hui le commerce a tout envahi, le corps est idolâtré. Mais c'est un corps construit par des armées de publicitaires en yoga, en ayurvéda, en "médecine quantique", etc.
L'éveil est un réveil de la conscience, qui passe en un mode "par défaut" dominé par le bavardage, à un mode "silence", dominé par une sorte de transparence insaisissable.
Cependant, dans les traditions d'éveil aussi, le corps est rejeté. Non pas, comme dans les traditions abrahamistes, par culpabilité à l'endroit d'un père morbide, mais à cause des limites du corps. Le corps n'est plus le repère du Moi. Je suis, et pourtant je suis bien plus que ce corps ou que n'importe quoi d'autre. Le corps éveillé est alors le corps libéré du bavardage. Un corps apaisé, délivré de toute fièvre et comme guéri. Un corps apaisé.
Dans le Vedânta ancien, cette détente est toutefois limitée, car Shankara estime que la connaissance (l'éveil) est absolument incompatible avec aucune sorte d'activité. Selon lui, toute activité est basée sur le désir, qui est lui-même nécessairement nourri par une vision fausse des choses, celle qui voit autre chose que la Vision éternelle qui est l'absolu. Il donne une illustration qui donne à réfléchir : si je sais que l'eau que je veux boire, là-bas, n'est qu'un miroir sans la moindre goutte d'eau, comment donc irai-je courir après ?
Pour Shankara, non seulement l'action n'est plus désirable après l'éveil, mais encore elle n'est plus possible. L'éveil entraîne, à terme, la mort du corps, car celui-ci s'éteint, faute de vouloir-vivre, de cette énergie qui est son moteur et son âme. La position, radicale, du Vedânta ancien est proche de celle du bouddhisme ancien : l'éveillé continue de vivre, mais "comme une machine" (yantravat), tel un pot qui tourne encore un peu sur son tour, après que le potier ait cessé de le faire tourner. Il y a une inertie du corps, mais ça n'est pas une vie véritable, car elle n'est plus alimentée par le désir, privé de cet aveuglement (avidyâ) qui est son indispensable aliment.
Aux yeux de Shankara, la marque extérieur de l'éveil (car il y en a une selon lui), c'est la disparition des activités, à l'exception de l'alimentation etc, et encore, ça n'est là qu'un compromis. L'éveillé se laisse mourir. Il est bien plus un mort-vivant qu'un "libéré-vivant". La fable d'un Shankara s'en allant mourir dans les glaces minérales de l'Himâlaya à l'âge de 32 ans en est le modèle. A suivre, littéralement.
La tradition védântique a ensuite mis de l'eau dans son vin, si j'ose dire. Ce "greater advaita", comme on l'appelle parfois, s'est considérablement éloigné de Shankara et l'a rapidement contredit. Cette tradition a exploré d'autres possibilités à propos du désir et de l'ignorance. Certains désirs sont compatibles avec l'éveil, qui n'est plus le réveil définitif du rêve, mais plutôt un rêve lucide. Il y a de bons désirs, des désirs sattviques, compatibles avec la vie éveillée. Seuls les désirs incompatibles diparaissent. Dès lors, le corps a sa place, ne serai-ce qu'à titre d'outil privé de conscience propre.
La source la plus populaire de cette autre vision de l'éveil, c'est bien entendu la Bhagavad Gîtâ, qui prône un éveil intérieur au milieu des actions naturelles, imposées par notre naturelle individuelle et sociale. Le guerrier peut ainsi être éveillé, sans cesser ses guerres. Le corps est alors, véritablement, un outils. Il n'est plus un maître, mais un serviteur.
Cependant, derrière cette vision réductrice, demeurait la possibilité d'explorer l'idée d'un corps délivré du mental. Et donc la possibilité de nouvelles jouissances (bhoga), d'une expérience renouvelée. C'est ce qu'à exploré le Yoga-vâsishtha, basé sur l'ancien Moksha-upâya-shâstra.
La vie éveillée y est décrite comme un règne plein de plaisir.
D'abord, l'éveillé n'est plus affecté par le corps :
"L'(éveillé), installé dans l'état suprême, vit en roue libre :
alors même qu'il règne sur la cité du corps,
il ne s'en trouve pas souillé." (IV, 23, 1)
Nous avons ici la vieille image négative des liquides qui "collent", "polluent" et "souillent" la personne, l'âme immaculée en elle-même.
Mais ensuite se fait jour une vision moins passive de la liberté en cette vie éveillée des songes :
"Pour qui connaît la (réalité), la vaste cité de son corps
est comme un jardin de jouissance et de liberté (bhoga-moksha) :
il existe pour le plaisir seulement,
jamais pour la souffrance." (IV, 23, 2)
Le corps est même "charmant" (!) :
"Pour qui connaît la (réalité), cette cité du corps est certes charmante,
dotée de toutes les qualités, riche de plaisirs sans fin,
illuminée par le soleil de sa propre lumière/ de son propre regard." (IV, 23, 4)
Plus loin, l'Auteur explique :
"Pour qui connaît son propre corps et son mental,
tout est paré de tous les bons augures.
(Le corps) est alors seulement source de plaisir,
pas de souffrance. Il concoure au bien ultime." (IV, 23,17)
"Pour qui ne connaît pas (son corps, son mental, et leur réalité),
ce même corps est un réservoir inépuisable de souffrances.
Mais pour qui le connaît, il est un trésor inépuisable
de plaisirs." (IV, 23, 17)
L'éveillé ne craint pas ce qui lui arrive. Il jouit des bonnes plaisirs et il sait, sans le moindre doute, que les souffrances liées au corps (qui sont inévitables, nous dit l'Auteur), sont aussi réelles que des rêves ou des hallucinations. Débarrassé des désirs superflus, l'éveillé est "un jouisseur infini" (mahâbhoga), un "grand homme d'action" (mahâkartâ) qui goûte à tout sans être l'esclave de rien ni de personne. La vision qui s'esquisse est, ici comme dans le shivaïsme du Cachemire, la vision d'un esthète, à des années-lumières de celle d'un Shankara. D'ailleurs, la version primitive de ce livre-maître n'a t-elle pas été composée au Cachemire par un ou des contemporains d'Utpaladeva ? Ils connaissaient le Krama, l'enseignement du Spanda et la tradition poétique qui s'épanouit autour du lac Dal à cette époque bénie.
L'expérience du corps dans l'éveil est l'expérience d'un corps libre, disponible pour le plaisir, ouvert aux souffrances inévitables et affranchi des soucis.
Les ailes de la volupté
RépondreSupprimerL’une des infortunes des pilotes serait qu’ils viennent à survoler « la Blanche » où gravite l’étrange « Tête Noire », fille aux attributs angéliques ; Douée d’une puissance hallucinogène et diabolique. Cette créature ne se contente pas seulement d’attirer les pilotes par ses célestes charmes mais entretien une sorte d’adoration ; surveillée qu’elle était par les « Trois évêchés ». Elle avait l’obsession de la transparence. Simultanément pour ces paranos de l’air amoureux des Femmes et des Oiseaux, elle charriait les troubles des plus exotiques… Valeureux guerriers sur leurs voiliers des airs, aspirés par une pulsion de rêve.
Là; La féerie commence, le rideau se lève …
A la place des gorges qui s’ouvrent et qui débordent de chaque côté, cet amant pilote dans son délire mystique y voit la métamorphose céleste d’une orchidée sauvage dévoilée de ses sous-vêtements intimes. Mais la beauté ne se laisse t’elle pas effleurer à travers un voile ? Des failles qui se pavoisent de leurs franges sourcilières et de leurs oriflammes. Ici une « Clue-bouche » avec ses lèvres sensuelles et ses dents étincelantes. Là un « Dôme menton » arrondi comme une arabesque. Cet Amant pilote rivé sur ses commandes poursuit ainsi par la voie royale la déréliction de la cuisse libertine ; étreignant le paysage de ses émotions ; ordonnant une abondante chevelure, luxure et qui plus est que la brise enveloppe délicatement.
La danse de Shiva…
RépondreSupprimerDe là, après tant d’efforts, le pilote monte au-dessus de la turbulence dédaléenne, arpente le creux d’un mollet, glisse sur un monticule et aperçoit les troublantes aspérités du jardin des délices qui s’étalent à l’horizon dans leurs draperies des grands jours où l’azur déploie ses petits doigts roses. La pente s’offre à lui, délicieuse et sismique en quittant la gorge nue.
Là à l’entrebâillement des cuisses qu’il espère hospitalières, il chevauche à toute allure, badin dans le rouge, le sillon central pour venir se raccrocher tant bien que mal aux touffes clairsemées et ruisselantes de « Lure ». Alors sur l’onde majestueuse, l’extase s’installe dans l’absolue de la petite mort. Désarmé par les strates, il se prend à admirer la délicieuse turgescence cachée par devers le proscenium. L’entrée d’une voie apparemment invisible mène tout droit aux effluves parfumées. Mais la pliure se fait plus rebelle encore. Cirque mystérieux que le pilote appelle abysse. Il n’en doute pas une seconde et doit s’orienter, le compas à la main en brandissant sa brûlante torche, lançant son planeur, premier découvreur de la caverne.
Oh, Zarathoustra ! L’ivresse, la grande ivresse …
Il s’engouffre avec prudence et scrupule, en ressort pulpeux, trempé dans les ondes volcaniques. La vallée bouche et tressaille. Va-t-elle s’ébranler à la manière du « Vésuve ». Mais le planeur comme assoiffé, poussé par une puissance décuplée, redouble déjà sa glisse majestueuse. Les derniers lambeaux hymènaux s’épuisent à résister un moment où le « Congestus » s’enfle et s’étale en altitude. Il faut faire vite avant que n’explose par petites gouttes de rosée le musc laiteux et béni. Cimes astrales, montagnes de lumières sont secouées par l’orage… Alors se produit le dépôt de la substance blanche où suintent les laves séminales de l’étreinte libératrices et humide. Le rêve continu, royal qu’il était immense et divin.
Mais ce n’était qu’un rêve ; déjà au crépuscule, le pilote ayant assouvi ses fantasmes adultérins constate que la liberté s’est envolée.
Alors le calvaire durera jusqu’à l’aurore
St Auban sur Durance 04/99
Poème écrit après un shoot à l’oxygène pendant huit heures de vol en planeur à dix milles mètres d’altitude au dessus des Alpes
Descartes a dit « je pense donc je suis »
Mais Zarathoustra dit ;
C’est lorsque Je ne pense pas que « Je Suis » car ce n’est que bien après que Cela pense.
Étonnant non ?
Zut Splat Zarathoustra