Un livre vient de sortir sur la méthode du Vedânta.
A l'heure où la non-dualité est devenue un véritable produit commercial (voici un exemple), il n'est pas inintéressant de revenir aux origines indiennes. Car, si l'éveil à la non-dualité peut se repérer dans d'autres traditions, il serait impossible de la reconnaître si, d'abord, l'Inde ne nous l'avait pas fait connaître.
En Inde, il y a deux grandes traditions non-dualistes : la Pratyabhijnâ et le Vedânta, toutes deux plongeant leurs racines dans le corpus des Dix "grandes" Upanishads.
Or, si tous le monde a certes entendu parler du Vedânta, bien peu ont lu ou étudié le Vedânta. Et ceux qui s'en réclament racontent ce qu'ils veulent. "Au pays, des aveugles..." Il faut dire que cette tradition a beaucoup évolué, jusqu'à devenir méconnaissable. D'abord très austère en la personne de son premier grand maître, Shankara, elle s'est mise ensuite à intégrer toutes sortes de doctrines différentes, voire opposées, comme le yoga. Cette attitude de plus en plus inclusive est une belle chose, elle a cependant rendu la "méthode" du Vedânta presque incompréhensible.
Voilà pourquoi l'oeuvre de Svâmî Sacchidânadendra Sarasvatî (SSS, mort en 1975) est précieuse et unique au XXe siècle. Cet enseignant de la province du Karnâtaka a entrepris la tâche ambitieuse de revenir à l'enseignement de Shankara lui-même. Par exemple, on croit aujourd'hui communément que le Vedânta n'est qu'une connaissance intellectuelle, donc indirecte, du Soi, et qu'il faut ensuite pratiquer la méditation selon Patanjali ou le Hatha Yoga pour atteindre le nirvikalpa-samâdhi, "l'état sans pensées" et atteindre ainsi une connaissance directe du Soi, une parfaite intuition. Mais tel n'est pas l'enseignement de Shankara. Selon lui, non seulement le nirvikalpa-samâdhi est inutile, mais il peut même constituer un obstacle dans la mesure où il peut être source d'orgueil. De manière plus subtile, SSS montre que selon Shankara, l'ignorance (avidyâ) n'est pas une énergie mystérieuse, une sorte de matière première, mais juste une erreur, laquelle peut être corrigée par la connaissance révélée dans les Upanishads. En bref, SSS démystifie le Vedânta. Il montre qu'il est une voie rationnelle fondée sur l'observation de l'expérience commune, sans recours à aucune réalisation occulte. En expliquant Shankara par Shankara, il donne à voir la simplicité et la puissance de l'enseignement originel, enseveli sous des siècles de commentaires qui, en prétendant expliquer Shankara, l'on bien souvent trahi.
Evidemment, l'oeuvre de SSS a suscité la polémique.
Mais si sa pensée est certes radicale et fort ambitieuse, elle a du moins les moyens de son ambition : en kannâda, en anglais et, surtout, en sanskrit, son oeuvre est sans doute la plus sophistiquée de toute la pensée indienne du XXe siècle. Sa Reconnaissance de la méthode du Vedânta (Vedântaprakriyâpratyabhijnâ, traduite en anglais) est un trésor, et Cœur de Shankara ou Réfutation de l'idée d'une Ignorance Primordiale (Shânkarahridaya ou Mûlâvidyânirâsa, traduit en anglais) est l'oeuvre la plus profonde que je connaisse en sanskrit, pour le XXe siècle. Je dois dire qu'elle dépasse parfois mes capacités intellectuelles. Même si je suis loin d'être convaincu par tous ses arguments et sa lecture de Shankara, sa pensée est passionnante et sans équivalent dans le monde védântique contemporain. Certes, des figures comme Cinmayânanda et Dayânanda ont œuvré beaucoup pour revenir au Vedânta des origines, mais sans aller aussi loin que SSS.
Malheureusement, cette oeuvre humble et sérieuse demeure inconnue du monde traditionnel et a fortiori du grand public.
C'est donc une bonne chose que deux opuscules soient accessibles aux lecteurs francophones.
J’ai beaucoup apprecier cette article qui démystifie pas mal de truc sur la non-dualité vedantique .
RépondreSupprimerÇa me rappelle que J’ai souvent entendu des nouveaux non dualiste dire qu’il fallait vivre une expérience d’extase mystique ou la perception subjective disparaît dans un océan indéterminé de lumière (un peu comme dans les E.m.i ) .
Pourtant les spécialistes disent que le but des pratiques non dualiste c’est de le vivre en état de veille aussi et non d’atteindre un état alteré de la conscience .