J'ai fait cette nuit un songe admirable. Il me semblait que m'étant cachée dans le coin d'un lit pour prier, on m'a appris comme les anges contemplent.
C'est quelque chose de si vaste et de si grand que je ne le puis exprimer.
J'ai compris que les anges ne pensent point, et dans tout ce temps il n'a pas été admis une seule pensée.
L'âme élevée au-dessus de tout ce qui est possible n'admet ni vue distincte ni objet, mais elle est abîmée dans ce Dieu suressentiel. C'est quelque chose qui surpasse toute intelligence.
J'ai compris la nécessité de n'admettre aucune pensée quelle qu'elle soit, ni bonne ni mauvaise, et comment il faut être dégagé de toute espèce [= de tout concept] pour une pure oraison.
Il y avait longtemps que je l'avais compris, mais non pas de cette manière.
Ce que nous pouvons et devons faire de notre part est de nous défaire de toute pensées, de tout raisonnement de toutes espèces, n'en admettant aucune volontairement, non seulement en priant, mais durant le jour, les laissant tomber dès qu'elles paraissent, sans les admettre, et nous aurons cette contemplation suressentielle, qui ne peut être donnée qu'à l'esprit purgé.
Madame Guyon, vers 1710, dans Œuvres mystiques, p. 607, éd. par D. Tronc, Honoré Champion, Paris
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