Dans mon billet sur "pouvoir et spiritualité", j'ai sans
doute donné l'impression que le yoga-tantra attire les scandales à cause des
pratiques sexuelles qu'il encouragerait, ou bien encore en raison de sa
fascination pour le pouvoir. Ceci me paraît simpliste.
C'est pourtant une thèse en vogue ces derniers temps. Suite au
scandale déclenché par des comportements "inappropriés" du fondateur
de l'Anusara Yoga, John Friend, un article a été publié dans le prestigieux New York Times [pour une traduction, voir le gadget à droite de ce billet, cliquer sur "google traduction" et copier-coller l'article], intitulé : "Yoga et scandales sexuels : rien de surprenant
là-dedans". La thèse de l'auteur est que le yoga est dérivé du tantra,
lequel serait un culte fondé sur le sexe. De plus, les exercices de yoga stimuleraient
le désir sexuel. Les professeurs de yoga sont donc des prédateurs sexuels.
Or, comme l'a fait remarquer un chercheur sur l'histoire du yoga, le tantra ne se réduit pas à un "yoga sexuel".
C'est un mouvement religieux extrêmement vaste et varié en termes de croyances,
de tendances et de pratiques. Dans l'ensemble, le tantra - les tantrismes - est
un ritualisme, et le yoga en est une transposition à l'intérieur du corps. Il y
a, il est vrai, une fascination pour le pouvoir dans ce mouvement. Mais qui donc ne subit pas cet
attrait du pouvoir ? En revanche, la plupart des pratiques tantriques présupposent une maîtrise de soi
et des pulsions, même dans le cadre d'une union sexuelle rituelle. De plus, il y a bien d'autres pratiques ; la plupart n'ont rien à voir avec le sexe ou les plaisirs des sens. Le tantra ne
se réduit donc pas à un système de pratiques sexuelles. Remarquons toutefois que ces
pratiques n'ont, en elles-mêmes, rien d'immorales. Pourquoi donc l'acte sexuel
serait-il mauvais en soi ? Ce qui est corrupteur, c'est bien plutôt la soif de
pouvoir.
Au reste - et c'est là la seconde partie de notre
argument - les abus sexuels, les comportements de prédation, de manipulation et
de pédophilie ne sont clairement pas l'apanage des adeptes du tantra-yoga. Les
sévices infligés par les prêtres sont malheureusement une réalité avérée et ancienne.
Et surtout, les "maîtres" indiens sans rapport avec le tantra et le yoga
peuvent être de redoutables prédateurs sexuels. Voici un site écrit par d'anciensdisciples indiens de Swami Shuddhânanda, maître du non-dualisme dans la "lignée"
de Ramana Maharshi (sachant que ce dernier n'a reconnu aucun "successeur"
et ne s'est jamais présenté comme un maître du "non-dualisme" du Vedānta de Śaṃkara) et de Chinmayânanda/Dayânanda. Cet homme, ce Shuddhânanda, est un ascète, un moine,
un renonçant. Ce qui ne l'empêche nullement d'avoir des relations avec des femmes,
ces dernières étant souvent fragilisées par une instance de divorce, par exemple. J'attire au passage
l'attention des lecteurs sur la situation du "non-dualisme" en sa Mecque
d'Arunâchala. Ce blogue satirique par un habitant de ce haut lieu de "l’Éveil" décrit non sans humour des situations et des personnes que j'ai
bien connues. Autrement dit, mon expérience confirme ce que l'auteur dit ou suggère,
bien que tout cela manque de preuves. Quoi qu'il en soit, ces contre-exemples réfutent la thèse d'un lien de cause à effet entre yoga-tantra et abus sexuels.
En définitive donc, ce n'est pas le tantra qui est responsable
des abus, mais la soif de pouvoir, tantra ou pas. De même, dans les cas d'abus sexuels,
ce n'est pas le sexe qui est en cause, qui fait mal et qui porte préjudice, mais
bien l'abus. Que l'on ne se trompe donc pas de cible : le pouvoir est source d'abus,
pas le sexe. Le tantra, dans ses versions contemporaines, met l'accent sur la sexualité.
C'est vrai. Le yoga est porteur d'une certaine sensualité, c'est indéniable. Mais
encore une fois, il n'y a là nulle cause de délit ou de crime. Le coupable de l'affaire,
comme toujours, est le pouvoir et non le sexe, comme le démontrent les arguments invoqués
ci-dessus.
Vive le yoga !
Vive le tantra !
A bat les assoiffés de pouvoir !
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