Philippe
Cornu, adepte vétéran du Dzogchen (une tradition contemplative tibétaine) en
France, vient de publier un livre pour répondre aux questions que tout le monde
se pose sur le bouddhisme : est-il une religion ? se réduit-il à la méditation
? faut-il croire à la réincarnation pour être bouddhiste ? le bouddhisme est-il
nombriliste ?
Mais
il aborde aussi le chemin intérieur. Dans son dernier chapitre, il y a ce
paragraphe sur la question du rapport entre progression et éveil subit :
"Une
progression immobile
Comme
le dit Nicolas de Cues, il est paradoxal de cheminer sur la voie, car il n'y a
pas de direction ni de but vers lequel se diriger si ce n'est de découvrir ce
que l'on est déjà réellement. Quand la nature fondamentale se dévoile, on
découvre qu'elle a toujours été présente. Pourtant, seule sa reconnaissance
pleine et entière permet son actualisation. La Voie n'est que le processus de
purification et de dissipation des blocages et des voiles qui recouvraient la
nature de bouddha. En vérité, du point de vue de notre nature réelle, aucun
changement ni aucune nouveauté ne se produisent au cours du chemin. C'est
pourquoi certains enseignements comme le Zen et le Dzogchen déclarent que l’Éveil est déjà là quand on lâche tout effort volontariste. Il est pourtant
d'autres maîtres qui nous exhortent à l'effort sans relâche pour progresser
vers l’Éveil. Cette contradiction entre le non-effort et l'effort à fournir
n'est qu'apparente, car du point de vue du pratiquant, il est indispensable de dissiper
les obscurcissements, d'éviter les chausse-trappes et les déviations, bref de
se libérer des conditionnements et de réaliser le sens ultime en progressant pas
à pas dans cette désoccultation. De son côté, la sagesse est immédiate car
présente en nous naturellement et depuis toujours. La résolution de cette
opposition se joue dans notre capacité d'être présent ou non à l’Éveil.
On
peut aussi s'illusionner en se croyant éveillé alors que l'on a simplement éprouvé
quelques profondes expériences spirituelles. Mais cultiver les expériences pour
elles-mêmes nous distrait de l'essentiel et nous fait perdre de précieuses occasions
d'accéder à l’Éveil.
Ainsi,
la voie n'est qu'une méthode pour dégager l'esprit de l'ignorance, laquelle n'a
en elle-même aucune consistance. S'il semble bien y avoir quelque chose à libérer,
c'est dans la mesure où nous nous y agrippons fermement. Mais la libération effective
n'est autre que la dissipation naturelle d'une illusion. C'est n'est pas tant une
libération que le fait de recouvrer la liberté originelle."
P.
Cornu, Le bouddhisme, une philosophie du bonheur ? , p. 279-280.
Regarde cette photo.
Puis regarde ton esprit.
Regarde ce qui regarde.
Si tu le vois, tu es Bouddha.
La Reconnaissance (pratyabhijnâ) ne dit pas autre chose :
Et pourtant, bien qu’il soit vu, il n’est pas identifié comme tel en vertu de l’égarement. C’est pourquoi on donne à voir cette reconnaissance en dévoilant ses pouvoirs.
Utpaladeva, Stances pour la reconnaissance, I, 1, 2-3
N'oublie David que cette reconnaissance doit s'appliquer même après la mort ou dans le rêve.
RépondreSupprimerCe qui est beaucoup plus délicat car il n'y a plus d'ancrage dans le corps.
Il est d'après moi infiniment plus difficile de se libérer ensuite, perdu dans le brouillard.
Ce que je dis là ne correspond pas à ce que j'ai expérimenté.
Ce que j'ai expérimenté très brièvement c'est qu'il est très difficile de se ressaisir (savoir ce que l'on sait).
La vision est claire mais l'esprit n'est pas fort. Il ne sait pas ce qu'il sait.
C'est pourquoi on ne doit pas mépriser la pratique. La pratique c'est l'art de savoir se rappeler je pense.
Il y a donc beaucoup de travail. Comme quand on pratique un art ou un artisanat il convient de maîtriser son art.
Plus j'avance et plus je mesure l'aspect colossale de la tâche.
L'éveil est un pré requis mais c'est juste le début d'une grande aventure.
Cette aventure est encore plus compliquée, plus douloureuse et demande toujours + de lucidité, de libération.
Ce rappel doit être constant et c'est ça le plus difficile.
Conclusion : je suis pour la pratique.