Abhinava Goupta commente quelques versets de la Bhagavad Gîtâ :
Être possédé par le Maître des maîtres : telle est la possession authentique, l'identification au Maître.
Le yoga est union de l'âme et de Dieu, absorption en Dieu, possession par Dieu : samâvesha, "se laisser absorber".
Plus loin, Abhinava Goupta contraste cette approche affective avec l'approche du Vedânta :
En revanche, ceux qui méditent l'Immense, l’Impérissable, le Soi omniprésent, ceux-là surimposent les attributs du Seigneur (comme l'omniprésence) sur l'Immense (impersonnel et sans attributs). Cependant, même si ceux qui méditent ainsi m'atteignent, Moi (le Seigneur), leur peine est bien plus grande ! Car ils surimposent au Soi les attributs comme la vertu avant de méditer sur lui. De sorte que ces gens qu'ils on affaire deux fois plus de difficultés, alors que le Seigneur est (déjà) présent, sans effort, avec tous ses attributs spontanément présents !
(La Quintessence de la Gîtâ, chap. 12, vs. 2 et 5)
Autrement dit, les partisans d'un absolu dépourvu de tout attribut, avec leur théorie de la "surimposition", perdent leur temps à surimposer des qualités divines qui sont déjà présentes en Dieu. Autant se laisser directement absorber en Dieu pour jouir de ses qualités innées.
Abhinava conclut (vs. 8) que ce yoga de l'amour divin est le "yoga suprême", comme dit Krishna, car il est naturel, authentique, sans artifices (akritrima). Et il cite l'un de ses poème qui célèbre l'intensité du ressenti : peu importe ce que l'on pratique, que ce soit un rituel ou une méditation "intellectuelle" ou des postures (karana). Ce qui compte, c'est la force du sentiment, seule capable d'allumer le feu de la conscience. L'éveil ne dépend pas d'un rituel, d'une spéculation, d'une posture ou d'un état de conscience, mais uniquement de la sincérité du cœur.
Cela étant, je ne vois pas trop à quelle tradition de Vedânta il fait allusion. En tous les cas, pas à celle de Shankara.
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