Selon cette croyance indienne comparable à l'Âge d'or des Grecs, le temps serait cyclique et en perpétuelle décadence.
Chaque Kali-yuga ou "âge de la malchance" s'achèverait dans un cataclysme, celui-ci débouchant sur un nouvel Âge d'or, une sorte de "reset" cosmique. Comme s'il fallait le pire pour retrouver le meilleur. Le Mal agirait comme un facteur auto-purifiant ("le mal par le mal"), au service du Bien.
En tout état de cause, il y a deux visions sur ce sujet :
- soit l'on place le Bien souverain dans le passé ;
- soit on le situe dans l'avenir.
C'est ce qui distingue le traditionalisme du modernisme.
Mais bien évidement, une synthèse est possible :
on pourrait concevoir des cycles où chaque retour à la perfection initiale intégrerait, à chaque nouvelle répétition, un peu davantage cette perfection initiale dans son évolution ultérieur. Nous aurions alors un cosmos capable d'apprendre de ces erreurs. De progresser, tout en évoluant de manière cyclique, avec des périodes de décadence inéluctable. Selon une autre image, le mouvement du temps ne serait pas parfaitement circulaire (le point d'arrivée serait identique au point de départ), mais spiralé : le point d'arrivé serait aux mêmes coordonnées horizontales, mais à un pont d’élévation verticale différent. Ainsi, il y aurait à la fois retour et progrès. Le devenir réaliserait la synthèse du Même et du Différents, ce qui, me semble, est l'idée profonde de la tradition platonicienne sur la question.
Il y a des raisons de penser qu'en effet, la répétition (ou itération) est au cœur du changement dans le cosmos. Mais il reste à y intégrer l'énigme humaine : de fait, l'homme peut aller contre la nature. Comment en rendre compte ? Faut-il considérer ce pouvoir comme un pur et simple accident ? Ou bien cette capacité, qui est aussi celle du progrès, s'intègre t-elle à une perspective plus vaste, plus inclusive ?
Prenons l'exemple de la musique.
On entend souvent dire que la musique est de moins en moins bonne ; mais aussi, que c'est du à un vieillissement générationnel. Quand vous vieillissez, vous êtes condamné, par quelque mécanisme naturel, à ressentir les musiques nouvelles comme autant de douleurs.
Cependant, il existe des faits, des indices objectifs pour aguer que la musique de ces cinquantes dernières années est en décadence.
Par exemple, le timbre s'appauvri, de même que l'harmonie.
Les morceaux sont plus forts.
Les phrases d'accroche arrivent plus tôt, et plus souvent.
Les paroles des chansons s’appauvrissent, en terme de variété, de vocabulaire et de syntaxe. Les scènes affligeantes de la dernière "fête de la musique" sur le perron de l'Elysée, nous en ont fourni une bien triste démonstration.
Les mélodies sont plus grossières.
Bien entendu, je parle ici des musiques populaires. Je sais bien qu'il y a, à côté de ces produits industriels, une foule impressionnante de groupe et de chanteurs créatifs et originaux. Mais le temps des Beatles a passé.
Regardez cette vidéo qui montre, sur un ton doux-amer, que la plupart des tubes roulent sur les mêmes accords :
On parle aussi de "la combine du millénaire" (Millenial Whoop en anglais, je n'ai rien trouvé en français ; pensez à activer les sous-titres) :
Mais pourquoi cela arrive-t-il ?
L'auteur de cette excellente vidéo (encore en anglais), en découvre quelques unes :
En gros, il s'agit d'un problème d'attention. La technologie contemporaine, post-internet, nous rend impatients, blasés, instables, incapables d'écoute. Des moutons déracinés, voilà ce que nous devenons, à force de zapper et de nous voir offrir à chaque instant le monde sur un plateau. Sans parler des effets politiques... Je veux parler de l'impression de décadence due à l'oubli des progrès réalisés. Il y a de passionnantes recherches sur ce sujet ô combien vital, mais ce sera pour une autre fois. Je pourrais aussi parler du QI et de l'art contemporain... mais à chaque jour suffit sa peine.
Dans le cas présent, il y a vraiment décadence. Baisse de qualité.
Mais alors, dans ce cas, que devient l'idée dont j'ai parlé plus haut, c'est d'une intégration du Mal dans le Bien, celle d'une synthèse donc, et d'un progrès ?
Dans le cas de cette histoire de baisse de qualité de la musique, qui a raison ? Les traditionalistes nostalgiques partisans du "c'était mieux avant" ? ou les idéalistes du progrès ?
La tendance à laver le cerveau des mélomanes est-elle une vraie tendance à la baisse ? ou bien est-elle partie d'un mouvement plus vaste, qui se révélerait finalement être un progrès ? Échapperons-nous au charme des Quatre Accords Magiques (sans parler des Accords Aztèques, ou Toltèques enfin bref) ?
Le progrès est-il une illusion ? Ou un fait ?
Inutile de rappeler que tout cela peut et doit être transposé au domaine spirituel.
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