Le vie intérieure est parsemée d’événements merveilleux.
Par exemple : - être
- être conscient d'être.
- voir une immense ouverture ici, là où une (relativement)
petite tête est censée occuper l'espace.
- ressentir, aussi. Ressentir l'amour, l'unité avec tout.
Un sentiment de sens, de valeur, d'harmonie.
- le silence, une impression de netteté, comme un ciel limpide. Et d'immensité, de transparence.
Sans parler du sentiment de tout savoir, de tout avoir en soi, de tout pouvoir, ainsi que les visions, des lévitations, télépathie, visites, messages et autres signes ou explosions d'énergie, etc., etc.
Mais tout cela est-il du même ordre ?
Ne faut-il pas distinguer les faits et les interprétations ?
Sans doute les faits se donnent rarement à l'état brut : il y a toujours un peu d'interprétation, même subconsciente, même dans ce qui ressemble à une perception directe.
Cependant, quand je regarde au-dessus de mes épaules, je vois qu'il n'y a pas de tête. Ça n'est pas une supposition.
Je perçois directement le silence. En fait, je peux même affirmer que cette expérience est encore plus simple que ça : il y a comme une sorte de présence simple, sans "je" qui percevrait un silence séparé. Mais bon, c'est déjà de l'interprétation. Beaucoup dépend du sens que je donne à ces expériences brutes.
De même, je sens une sorte d'unité avec tout, de même qu'une impression que "tout" est bien".
En revanche, quand je dis que "l'univers me répond", que "je crée ma réalité" ou que "je crois au karma", là je suis clairement dans l'interprétation. Je ne suis plus dans la perception directe, ni dans l'intuition, ni même dans le raisonnement solide, mais dans les conjectures, les vœux pieux, voire les fantasmes. J'y crois peut-être, mais au fond je n'en sais rien. La preuve en est que si l'on interroge ces opinions, je réagirai comme on réagi quand on est à court d'arguments : je dirais que celui qui critique mes opinions na pas d'expérience, qu'il est perdu dans le mental, qu'il est orgueilleux, que sont cœur n'est pas ouvert, etc.
Il n'est pas nécessaire pour autant de tomber dans le scepticisme ("je ne peux rien savoir"). Au contraire, il faut réfléchir, raisonner, examiner les opinions. C'est comme faire un inventaire, un bilan, ou un examen médical, pour voir où l'on en est, faire le point : qu'est-ce que je sais vraiment ? qu'est-ce qui n'est qu'hypothèse ? et qu'est-ce que je perdrais si telle hypothèse s'avérait fausse ?
Les lecteurs de ce blog savent que, bien qu'inspiré par des traditions mystiques, je porte régulièrement un regard critique sur les gourous, les croyances occultes et les prétentions pseudo-scientifiques qui prolifèrent dans les milieux dits spirituels.
Par exemple, il y a une opinion prédominante selon laquelle "il faut écouter son ressenti". Mais est-ce vrai ? Peut-on avoir toutes les réponses en écoutant la "voix intérieure" ? Cette voix est-elle intuition mystérieuse, ou bien la voix des préjugés ? Et le ressenti est vague, instable : puis-je tout savoir ainsi ? Puis-je "ressentir" le dosage adéquat d'un anti-bio ou que la terre est ronde ? Tous les prophètes et gourous prétendent avoir été connecté à une source intérieure et transcendante de connaissance : mais leurs "connaissances" se sont avérées presque toutes fausses. C'est quand même frappant. Aujourd'hui, n'importe quel gamin en sait plus sur le monde que Mahomet ou le Bouddha. Comment expliquer cela, si vraiment nous avons en nous la source de tout savoir ? Enfin, écouter notre ressenti nous rend anxieux et capricieux : il est bien connu que la conscience psychologique de soi tend à augmenter le sentiment d'insécurité, jusqu'à l'hypocondrie ; et capricieux, car le ressenti est instable : comment construire une vie adulte sur une base si... inconstante ? Voilà. Ça n'est qu'un exemple, mais significatif de la quantité d'opinions qui se mélange aux expériences brutes.
En réalité, la plupart d'entre nous avons quelques expériences, sur lesquelles nous nous empressons de broder des montagnes d'interprétations toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Nous ne nous fions pas à l'expérience donnée, sûre (silence, transparence, vibration du cœur, sentiment d'unité), et nous nous sécurisons en bâtissant des pays imaginaires. C'est le New Age, ou quelque soit le nom qu'on lui donne. Ce sont les pseudo-sciences, avec ses légions de pseudo-théories fumeuses, ce sont les gourous faiseurs de miracles, depuis ceux qui peuvent transmettre l'éveil jusqu'à ceux qui vous porte chance. C'est pratique.
Et cela n'en reste pas à la psychologie. Cette croissance exponentielle des interprétations fantaisistes, qui nous flattent, nous rassurent et alimentent notre soif de sensations fortes, ne se limite pas à la quête du bonheur. Elle se répand jusque dans les idées sur le monde, la nature et l'énergie. Un exemple parmi mille autres est celui de l'énergie libre. Les arnaques pullulent sur You Tube à ce sujet. Ignorants et crédules, nous avons envie d'être charmés.
Voici une petite vidéo, réalisée par des étudiants, pour nous ramener à un peu de sobriété :
Ne serait-il pas salutaire de pratiquer la même sobriété dans le domaine intérieur ?
Encore une fois, je ne prône pas le scepticisme, ni le renoncement à bâtir un système, mais plus simplement la nécessité de faire régulièrement un bilan de nos opinions. Un peu comme quand on a un jardin : on cherche les mauvaises herbes et on taille, pour qu'au final l'ensemble soit plus viable.
Pour cela, il me semble indispensable de ne pas oublier la distinctions entre fait et interprétation.
Bonjour,
RépondreSupprimerVous dites "En revanche, quand je dis que "l'univers me répond", que "je crée ma réalité" ou que "je crois au karma", là je suis clairement dans l'interprétation".
Pour ne pas dire à la base simplement "croyance". Croyance donnant lieu à création.
Si je dis "l'univers me répond", oui mais à qui répond-il cet univers est la vraie question, l'essentielle question. Bref, si vous voyez le jeu de l'univers répondant à un soi disant quelqu'un, vous voyez bien l'irréalité de ce jeu, et de "je" d'ailleurs en tant que personne.