mercredi 13 juin 2018

"L'éternelle Lumière ne meurt pas..."


Si vous lisez ces lignes, cher ami lecteur,
c'est sans doute que vous avez déjà vécu ces moments
où la Lumière intérieure semble triompher jusque dans 
l'agitation quotidienne. Vous avez entrevu une autre vie possible : une vie illuminée par cette obscure clarté dans laquelle toutes les clartés et toutes les ténèbres se révèlent,
comme dit Abhinava Goupta.

Mais, ajoute un mystique américain peu connu, Thomas R. Kelly, "la flamme baisse, la volonté [:la faculté d'aimer] se détend, le traintrain quotidien nous ressaisit."

Et que pouvons-nous faire ?
Rien. L'Esprit souffle où il veut.
Ou plutôt, nous pouvons réaliser que notre ressenti superficiel n'est pas la mesure véritable de cette Lumière. En effet, ajoute Kelly, 

"L'éternelle Lumière ne meurt pas lorsque meurt l'extase ; elle n'est pas intermittente comme le vacillement de nos états d'âme."

C'est là un point clé de la vie intérieure. Ne laissons pas le ressenti - une simple apparence - être le critère du réel. La Présence échappe parfois au ressenti. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas un objet ressenti, mais l'acte même de ressentir. Voilà pourquoi elle est à la fois insaisissable et inéluctable. Évidente, elle se dérobe à toute saisie. En un sens, elle est toujours ressentie. Et sa présence consolatrice est potentiellement toujours disponible : mais pour la savourer, nous devons retourner notre attention vers elle, vers soi, vers l'amont. Et surtout, nous devons nous accoutumer à une nouvelle façon de savourer - une saveur sans saveur, un savoir sans savoir, une obscure clarté, comme une lumière en veilleuse, mais qui ne cesse jamais. Nous devons nous mettre à l'école de l'insipide, du petit et du subtil pour nous rendre apte à apprécier cette Présence ineffable. Et alors, nous serons comme ceux évoqués par le cuisinier mystique, Frère Laurent : nous serons de

"ceux dont la voile est gonflée au souffle du Saint-Esprit, 
qui avancent même en dormant".

Même sans agir autrement qu'en s'ouvrant au plus profond, 
l'in-action se poursuivra, comme une mystérieuse digestion.
l'inaction n'est pas absence d'action, mais action intérieure. Elle ne cesse jamais, pourvu seulement que nous tournions notre voile dans la bonne direction, vers l'intérieur, vers la source. Vers un ressenti, la vibration du coeur, ressentie à l'orée de tout désir, de toute émotion, de tout acte.
Mais une fois orientés, nul besoin de chercher à maintenir artificiellement. Il suffit de rester orienté. Sans s'accrocher à rien, libre comme le voilier est "libre" pour les vents. Nous n'offrons aucune résistance. Et, si résistance il y a, nous la laissons elle aussi aux vents et aux courant profonds et puissants. Une orientation profonde : cela suffit. Un abandon répété, voilà tout.

Kelly, l'auteur ici mentionné, était un mystique intellectuel. Il prépara une thèse de doctorat. Mais son tempérament émotif lui fit perdre tous ses moyens le jour de la soutenance. De cet échec terriblement humiliant, il sut tirer une certitude, celle de la foi en ce qui est plus vaste que nous, que moi, que vous. Cela n'exclut pas l'intellect. Le point est de penser, de respirer, d'être à partir de la source, en reconnaissance de cette situation.
Comme dit le Vijnâna Bhairava, la dualité du sujet et de l'objet est commune à tous les êtres, mais les yogis portent une attention toute particulière à la situation : l'objet apparaît toujours dans le sujet, dans la Présence, dans la Lumière qui jamais ne se couche. Cette attention est une orientation du cœur, du fond de soi, corps et âme, en douceur et en foi, sur le long terme.

Les extraits de Kelly sont tirés de sa Présence Ineffable, éd. Labor et Fides




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