samedi 30 juin 2018

La rétention à vide, clé du yoga


Avant le yoga postural, lequel s'impose vraiment à partir du XVIIe siècle, le yoga est centré sur le prânâyama, l'art de la maîtrise du souffle.

Or, ces pratiques sont centrées sur la rétention.
De nos jours, on pratique plutôt la rétention à plein.
Mais la Hatha Yoga Pradîpikâ en dix chapitres, qui est une version peu connue de ce texte autrement célèbre, présente la rétention à vide comme la voie royale vers l'état de pure présence :

On délivrera le mental de tout point d'appui
grâce à une rétention après l'expir.
Au moyen de cet exercice,
on atteindra l'état de râdja yoga.

(Hatha Yoga Pradîpikâ en dix chapitres, IV, 67)

"Délivrer le mental" ou affranchir l'attention des supports qui la captive est une expression typiquement bouddhiste. Comme je l'ai écrit ailleurs, le bouddhisme a joué un rôle important à l'origine du Hatha Yoga.
Le résultat de cet exercice est le "yoga royal" (râja yoga), un état où toutes les facultés sont pleinement actives, dont le corps et les cinq sens, sauf le bavardage intérieur, qui cesse. C'est un état où le corps est actif mais où le mental se tait. C'est le but du Hatha Yoga, et c'est aussi la pratique contemplative appelée le geste de Shiva (shiva-mudrâ), le secret du Tantra, dont le Hatha Yoga est un aspect, une méthode.  

La rétention après l'expir peut être naturelle : l'attention se pose sur l'expir comme un surfeur chevauche une vague, jusqu'au silence, jusqu'à l'attention ouverte, la présence pure.

Cette rétention peut aussi se faire volontairement, par un blocage de la gorge. 

Pourquoi privilégier la fin de l'expir ? Le Tantra voit dans l'expir la résorption cosmique, le soleil qui consume le monde. L'expir invite au lâcher-prise.

Mais il y a une raison supplémentaire. Comme indiqué dans cet article scientifique, un gaz particulier s'accumule dans les cavités nasales durant la rétention. Ce gaz, le monoxyde d'azote ordinairement toxique a, dans ce contexte, de nombreuses vertus
Certes, il se forme aussi lors d'une rétention à plein. Mais lors de l'expir qui la suit, le gaz est éjecté et perdu pour l'organisme. Tandis qu'après une rétention à vide, l'inspir permet de l'ingérer et de bénéficier de ses propriétés. Il est aussi, semble-t-il, l'une des raisons pour lesquelles la respiration nasale est privilégiée en yoga, de façon générale.

Dans tous les cas - écoute du souffle naturel ou pratique contrôlée - l'expir et la rétention qui le suit sont des clés du Hatha Yoga, lequel est la méthode permettant d'atteindre l'état de Râja Yoga, ou état de profond silence intérieur,
quelque soient l'état du corps et de l'esprit.

2 commentaires:

  1. Chez Eva Ruchpaul on pratique, à égalité stricte de traitement, les suspension de souffle inspir et expir que ce soit dans la travail de maîtrise du souffle qui sert d'interlude entre les postures ou dans les postures elles-mêmes. Des suspensions qui s'installent en légèreté sans blocage de gorge, on y entre et on en sort comme si de rien n'était...

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  2. Bonjour David et merci pour cet article qui prolonge bien le travail possible sur des versets du VBT tel que celui-ci:
    "On doit évoquer simultanément
    Le vide au-dessus (de soi) et le vide en-dessous.
    Grâce à la Puissance qui ne dépend pas du corps,
    On deviendra vide d'esprit"

    prolongé à son tour par le "secret" que vous évoquez du manuel de Raghouvîra, une attitude entièrement exprimée par le shivamudra.
    Deux questions sur ces textes : le "Manuel de la rétention" et le Hatha yoga pradipika en 10 chapitres (dont je comprendss qu'il s'agit d'une version différente du HYP que nou sconnaissons, sont-ils disponibles ne traduction ?
    MErci de votre retour
    Cordialement
    Benjamin

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