Le yoga tantrique, shivaïte est la source principale du yoga. Et plus spécialement la tradition kaula ou "du Koula".
La pratique principale du yoga shivaïte est la "méditation de Shiva", appelée "attitude" ou "posture" (mudrâ) de Shiva (shambhavî), de Bhairava à la bouche et aux yeux grands ouverts (bhairavîya), de l'étonnement (vismaya), de la stupeur (cakita), secrète (rahasya), divine et céleste (divya).
Voici une illustration, temple de Melkote, Sud de l'Inde :
Narasimha l'illustre fort bien aussi :
Ainsi que cette statue, apparemment récente, dont je ne connais pas l'origine :
Vous noterez, à chaque fois, la présence de la ceinture de méditation (yoga-patta), accessoire de méditation très répandu en Inde jusqu'au XIXème siècle (le père de Ramana en avait une), mais qui ne survit aujourd'hui que chez les yogis tibétains, chez qui on trouvera des dizaines clichés récents. En voici un avec le XVIème Karmapa, jeune :
Il n'est donc pas étonnant de retrouver la méditation de Shiva dans le bouddhisme tibétain, où elle correspond exactement à la méditation trékcheud ("trancher les liens", khregs chod) dans la tradition dzogchen de la "grande perfection" ; mais on en trouve aussi des traces dans la tradition de Phadampa Sangyé, une figure étrange du XIème siècle indo-tibétain, et sans doute ailleurs, dans le Kâlacakra notamment. Voici un exemple de cette "posture", du maître dzogchen Djamyang Dordjé. Notez le regard, la bouche, les mains, et surtout l'attitude générale. C'est purement la Shiva-mudrâ décrite dans les tantras shivaïtes, fort éloignée de l'archétype de la méditation bouddhiste :
Ce qui me conduit à formuler l'hypothèse suivante : la pratique tibétaine du trékcheud provient du yoga shivaïte, de la méditation de Shiva.
Voici un article universitaire, par Jason Birch, qui se penche enfin sur les origines "tantriques" (=shivaïtes) du Hatha Yoga, via le Râdja Yoga, lequel n'est qu'un autre nom de la méditation de Shiva, alias trékcheud.
https://www.academia.edu/40467193/The_Tantric_%C5%9Aaiva_Origins_of_R%C4%81jayoga?source=swp_share
L'Auteur de cet article étaie ainsi plusieurs hypothèses que j'avais formulées, bien qu'il soit bien plus exploratoire que démonstratif.
Mais il ne fait pas encore le lien avec le dzogchen : il faut dire que le monde académique est ultra spécialisé et cloisonné. La plupart des chercheurs sont en réalité des adeptes de ces traditions, et on comprend qu'ils ne cherchent pas trop au-delà de leur aire traditionnelle. A l'image de Jean-Luc Achard, membre du CNRS mais adepte intégriste du dzogchen, l'Université n'est pas toujours à la hauteur de son idéal d'impartialité scientifique. Cependant les choses changent chez les chercheurs plus jeunes, qui on sans doute plus de recul par rapport aux hiérarchies traditionnelles.
Pour ma part, je ne suis rien, mais j'essaie, dans la mesure de mes possibilités, de partager mes découvertes en ce domaine. La méditation de Shiva est la plus belle et la plus puissante approche de la méditation que je connaisse (avec la méditation "de Shakti"). Un manuel et une anthologie de textes traditionnels autour de ces méditations devraient paraître au printemps 2020 chez Almora.
En attendant, je partage cette méditation sur ce blog, parfois de façon formelle et explicite, parfois de manière indirecte. Je propose également une retraite dans le désert, un séjour à Bénarès et des retraites en France sur ces approches uniques de la méditation.
Peu importe le couperet,
RépondreSupprimerPourvu qu'il tranche net.
Sidérantes desiderata
RépondreSupprimerUne tâche,
Celle de trouver
La juste posture
De l'esprit sans tache.
Attache-toi.
Poursuite de la vérité une.
Sans relache, une attache :
L'amour, indéfectible lien.
De la sagesse, le chemin.
Attache-toi en cet élan,
Lui seul.
Rassemblement en soi ;
Toute énergie,
Avant le grand jaillissement,
Ravissant ravissement.
Quelle identité ?
Seul subsiste l'identique,
À lui-même,
Subjugantes retrouvailles.
Unité de cœur,
Cœur de l'unique,
Immobile, attaché au demeurant,
Contemple son touchant mouvement.
Vaste contenant
De l'aube des temps.
Hommage à l'aimant,
Hommage au ravissant.