Quand les cheveux de dressent, la Koundalinî décompresse.
Ou presque.
Outpaladéva dit :
prakāśasya mukhya ātmā pratyavamarśaḥ, taṃ vinā arthabheditākārasyāpy asya svacchatāmātraṃ, na tv ajāḍyaṃ, camatkṛter abhāvāt // (IPKVritti, I, 5, 11)
"Le Soi principal de la Lumière [consciente] c'est la conscience de soi/ le ressenti de soi. Si la [lumière/manifestation consciente] était dépourvue de cette [conscience de soi], elle serait certes transparente [comme un miroir, par exemple], mais elle ne serait pas "consciente", même si elle était différenciée par les formes des choses [qu'elle accueille et manifeste], car dans cas, il n'y aurait pas d'émerveillement".
"Tout est conscience" : mais qu'est-ce que la conscience ?
Selon certains, inspirés par le bouddhisme et le Vedânta, la conscience est une pure absence, un espace vide, limpide, à l'image d'un miroir. Cette vacuité permet à la conscience d'accueillir les formes sans devenir ces formes, et donc sans être limitée par les limites de ces formes. Le miroir accueille le rouge sans devenir rouge ; il accueille le bleu sans devenir bleu, et ainsi de suite. La conscience, comme l'espace, n'est rien, et peut donc tout refléter, tout accueillir, comme un miroir ou comme n'importe quelle surface réfléchissante.
Mais il y a un problème : le miroir et autre surface "vides" ou transparentes ne sont pas conscientes. Le miroir reflète, mais il ne ressent rien. Il ne réagit pas. Il ne juge pas. Il ne peut s'égarer, imaginer, inventer. Le miroir est sans doute une belle image d'une conscience immuable et complètement statique. Mais la conscience, ça n'est pas cela. Ou pas que. La conscience, c'est aussi ce pouvoir mystérieux que j'ai de me perdre dans un labyrinthe de réactions et d'impressions, de me "prendre pour" autre chose que cette simple transparence.
Par conséquent, quand je dis que la conscience est une absence transparente, il manque quelque chose. J'ai sans doute reconnu un aspect de la conscience, mais pas son essence. Car la transparence et la capacité d'accueil sont des traits partagés par des choses inertes, à l'évidence privées de conscience.
Mais alors, quelle est l'essence de la conscience, si ça n'est pas le vide et cette transparence ouverte ?
Il y a des moments où j'accueille les choses, mais sans les vivre, sans les ressentir, sans réagir, insensible ou presque. Quand je suis fatigué, par exemple, ou quand j'ai "la tête ailleurs". Je ne suis pas là. Je ne vis pas vraiment ce qui se présente. Mais quelle est la différence ? La différence, c'est "l'émerveillement" (camatkriti). Cette simple expression sanskrite traduit l'apport du génie tantrique à la spiritualité. Être conscient, ça n'est pas seulement refléter "ce qui est" tel que c'est. C'est aussi ressentir et, par là, introduire la possibilité d'une déformation, d'un décalage, d'un égarement, d'un errement. C'est la Mâyâ, l'illusion. Mais c'est aussi toute la beauté de la vie. C'est camat-kâra, littéralement "faire camat !" "Camat", c'est une onomatopée, le son d'une langue qui claque, qui claque de plaisir. "Camat", c'est se délecter, c'est justement s'étonner, s'émerveiller, c'est jouir, de plaisir ou de douleur ou de confusion. C'est le "Ah !" de vivre. C'est la stupeur de vivre. C'est le "euréka" de chaque instant de vie. Et Outpaladéva nous rappelle ce miracle (en hindî, camatkâra veut dire "miracle"), le miracle d'être, de vivre, de sentir, de penser, d'imaginer, de délirer.
Mais la vie est aussi souffrance ?
- Mais oui.
Mais où est l'émerveillement dans la douleur ?
- Cela, ça n'est pas à moi de vous le dire.
La philosophie de la Reconnaissance attire simplement notre attention sur le miracle de la conscience. A vous, à chacun de nous, à moi de plonger, d'examiner. C'est cela le véritable âtma-vicâra, parfois traduit par un affreux "investigation du Soi". Non ! Vicâra, c'est plonger, embrasser, goûter pour en avoir le coeur net, pour s'en rassasier le coeur, y plonger de tout son être, comme pour ne jamais en revenir.
Camatkriti, camatkâra : tout le "Tantra" néo- ou paléo- ou bio- ou ce-que-vous-voudrez, est là, dans cette petite expression.
Voilà pourquoi le Mantra le plus puissant, le Mantra salvateur, est le cri du coeur, tout silencieux soit-il, le soupir, l'appel. Par exemple dans "Mais putain, elles sont où ces clés ?!?!?" Ce "Gnaaaarhhhh...!!!!" est le Mantra sacré, que nul autre Gourou ne peut transmettre, hors la Gouroutte innée. C'est la véritable initiation traditionnelle.
C'est ça, le tantra du Cachemire. Ça. Vous comprenez ?
Bien sûr, il y a aussi le vide, le rien de la sieste, du sommeil profond, du samâdhi. Mais l'essence, c'est-à-dire le Maître, le vrai, le Gourou, le Mukhya Âtma "le Soi Capital", est là, dans ce ressenti foncier, en ce fond vibratoire. Là est le fondamental, fondement du mental qui nous fonde tous et nous refonde, pour peu qu'on s'y fonde.
Enfin bref, je raconte un peu n'importe quoi, mais c'est ça, au fond.
N'est-ce pas ?
Sans ça, la grâce du gourou n'est que poison.
Avec ça, le poison du métro-boulot-dodo est nectar.
iti shivam
waouhhh :)
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