D'ordinaire, on associe méditation et immobilité. Car la méditation, c'est la paix, et la paix, c'est la quiétude, le repos, bref le contraire du mouvement.
Alors pourquoi les traditions tantriques mettent-elles en avant le mouvement ? Pourquoi tant de rituels, de Mantras, de gestes, de danses, de chants, de formes et couleurs ?
Une justification courante est symbolique : le mouvement serait le symbole de la vie, de l'énergie, de la puissance du divin. De fait, ce symbolisme de la luxuriance végétale et liquide se voit partout dans "l'hindouisme" à travers la profusion de fleurs, d'encens, d'eau, de lait, de miel, de yaourt, de poudres colorées...
Mais au-delà de cette valorisation symbolique de la vie, du corps et de la femme, le mouvement est une porte vers l'unité. Non pas comme symbole ou comme expérience psychologique, mais comme porte vers un au-delà du mental qui ne se réduit pas à une vague sensation corporelle.
Ce matin, je reste un moment dans le silence intérieur, le regard plongé dans le paysage - ou le contraire, je ne sais pas trop. Silence intérieur absolu, illuminé par le mandala des apparences. Soudain, une détonation. Un voisin frustré de n'avoir plus la force d'aller à l'affût des sangliers... Eh bien ce choc, sonore et adrénalitique (ça se dit ?) a nettoyé la Présence. Car ce qui se passe, c'est que le silence se solidifie peu à peu, subrepticement. Une sorte de bruit blanc, comme des parasites, vient recouvrir le silence. Et il y a comme un attachement subtil au silence et à différents ressentis qui émergent dans le silence. Des références, une structure émerge. Je ne suis plus silence absolu, mais peu à peu un semblant de tension se fait jour. Des repères. Et je ne suis plus présent dans la Présence nue.
Et alors, une détonation, un choc, n'importe quel mouvement brusque, "détruit" cet attachement. Ce bruit de fond disparaît. Le silence est mis a nu. Un peu comme un coup de chiffon sur le pare-brise, mais spontané. C'est pourquoi la tradition conseille le Mantra "p'hat !", sorte d'explosion sonore qui tranche le bavardage. Ou bien "houng !" ou "ha !"
Le mouvement met à nu ce qui est à jamais immobile.
De plus, l'agitation révèle la quiétude innée, par un effet de contraste. Le bruit révèle ainsi le silence, le mouvement, l'immobilité, les formes, l'absence de forme, les dilemmes, l'absence de dilemme, les tensions, l'absence de tension. D'où la joie de conduire, des embouteillages, de la foule, des super marchés. Voilà pourquoi un écrivain travaille parfois mieux dans le brouhaha d'un café que dans une chambre abritée. Le bruit extérieur tranche le bavardage intérieur, mettant à nu le silence créateur.
Mais il y a plus profond encore : restez immobile un moment. Puis explorez l'intention de lever les bras. Levez les bras, mais ralentissez, ralentissez, comme sur une vidéo, jusqu'à vous poser sur le seuil du geste. Vous sentez alors l'énergie s'éveiller. Plongez, et vous plongez dans l'unité avec tout, car tout mouvement part du Tout. Donc ressentir le premier instant de n'importe quel mouvement, c'est ressentir l'unité avec le Tout, avant la séparation qui surgit ensuite. C'est un moyen simple et naturel de découvrir et de cultiver l'expérience de l'unité. C'est l'éveil, l'éclosion, l'ouverture du regard, la dilatation de la vision, le réveil de la conscience. Rien d'autre n'est nécessaire, mais moins que cela ne suffit pas.
Voilà pourquoi le mouvement est si important dans la méditation.
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