Comme je l'ai expliqué dans un article précédent, le cadre et la base de ma réflexion politique est le libéralisme social, car ce système est celui qui garantit les plus grandes libertés pour penser, entres autres choses, aux problèmes politiques. En effet, on ne doit pas juger d'un système politique seulement par le bien-être qu'il peut offrir actuellement, mais aussi et surtout par son potentiel.
Une fois ce cadre libéral posé, on peut réfléchir à des perfectionnements ou à des alternatives. Bien que ma préférence aille à un libéralisme de l'Etat-providence et de la régulation des dérives du Marché, je suis ouvert aux alternatives. A quoi bon la liberté si l'on n'est pas libre d'examiner, d'envisager et d'essayer ?
Le libéralisme que je défend est minimaliste et surtout négatif : le rôle de l'Etat est de garantir les libertés individuelles et de protéger la société des prédations des lobbies, grâce au contrôle des aspects les plus dangereux du Marché. Le libéralisme, c'est la loi au service des libertés. C'est donc, par nature, un état politique instable où il faut constamment chercher l'équilibre entre l'excès de liberté des individus les plus forts (entreprises, banques, lobbies) et l'excès de force de l'Etat.
Mais sa base reste libérale, au sens où son principal attrait est d'offrir une organisation où chaque individu est libre de croire ou de ne pas croire, à sa guise. Historiquement, le libéralisme est en effet apparu comme la solution pour sortir des guerres de religion et fonder l'unité nationale sur autre chose que sur une religion. C'est la laïcité : la nation est une et indivisible, mais cette unité n'est pas fondée sur l'adhésion à un dogme. Le libéralisme a ainsi permis d'échapper à des millénaires d'oppression religieuse.
Cependant, comme je le dit plus haut, tout système libéral est par nature instable : constituant une société "ouverte", il peut toujours être victime de fanatiques qui utilisent les libertés démocratiques pour détruire les libertés démocratiques. On voit par là que, même si libéralisme rime avec liberté et avec individualisme, il a besoin d'une base commune. Non pas d'une religion, mais d'un ensemble de valeurs communes. Par conséquent, si une communauté s'installe dans une société libérale en étant porteuse de valeurs fondamentalement différentes et incompatibles avec celle de la société libérale qui l'accueille, cette dernière est en péril et doit se défendre. Cette fragilité est la beauté et la faiblesse des sociétés libérales.
Malgré ces convictions, je constate que certains courants politiques, situés à l'opposé du libéralisme, ne sont pas sans intérêt. L'un de ces courants est le royalisme. Je parle ici du royalisme antimoderne, traditionnaliste et anti-républicain. J'observe, en effet, que ses militants sont souvent cultivés et capables d'une argumentation élaborée. Pour le dire simplement, le niveau intellectuel des milieux traditionnalistes est très bon, ce qui fait d'eux, au pire, des interlocuteurs stimulants. Leurs deux qualités principales sont la richesse de la langue et la richesse des références. A l'opposé d'un certain boboisme décérébré, illustré par un pitre comme Mathieu Kassovitz, je lis des discours intelligents, construits, nourris des humanités et adulte.
De fait, quand on est "enseignant" et que l'on côtoie depuis des décennies les ravages du pédagogisme relativiste et pseudoscientiste, il arrive que, parfois, on se surprenne à regretter un certain passé. Or ce passé n'est pas aussi noir que le système "éducatif", justement, voudrait nous le faire croire. Non, le Moyen-Âge n'était pas barbarie. Non, les rois n'étaient pas des psychopathes sanguinaires incompétents. Certes, il y a eu des souverains fous, mais l'ensemble de la culture de ces époques n'est pas sans intérêt. Loin de là. Le Moyen-Âge est un temps de haute culture, un temps de communauté européenne et de communion mystique. Non, le Moyen-Âge n'est pas "moyen".
Pour autant, suis-je royaliste ?
Non. Pourquoi ? Parce que je crois qu'il n'est pas raisonnable de fonder tous les espoirs d'une société sur les qualités d'un seul individu. Certes, dans la culture populaire Tolkien nous a rappelé qu'un vrai roi était le garant d'une vraie justice et d'une forme de liberté, encadrée par les corporations et par un ensemble de hiérarchies. Cela étant, Tolkien lui-même admet que la venue d'un tel roi tient du miracle. Et tout fonder ainsi sur une intervention divine, c'est bien tenter Dieu et le Diable. Au reste, je remarque que les royalistes, comme tous les traditionnalistes, sont pessimistes sur l'avenir. Si la royauté est l'organisation politique parfaite, il est vraisemblable qu'elle ne peut que se dégrader au cours du temps. Le discours sur la décadence est donc inhérent au royalisme. De fait, les pamphlets traditionnalistes, même s'ils sont brillants dans leur forme, sont emprunts de colère et d'une tristesse amère qui ne voit que les beautés d'un passé idéalisé pour cracher sur les laideurs du présent.
Dès lors, je préfère une vision progressiste plus stimulante et non moins réaliste que celle qui fonde tous ses espoirs sur la venue d'un roi-prophète. Je choisis l'Etat-providence, plutôt que le roi providentiel. D'autant plus que ce choix ne m'interdit nullement d'étudier ce qu'il y a de bon et de beau dans notre histoire. Mais justement, c'est notre société libérale qui nous offre le cadre dans lequel nous pouvons librement tourner nos regards et nos cœurs vers des idéaux, passés ou à venir. Certes, les sociétés d'Ancien Régime n'étaient pas des prisons ; mais du moins, leur capacité à progresser était fort limitée. Et certes, l'aventure du progrès implique un risque, assurément, mais on n'a rien si l'on n'a pas ce goût du risque qui fait les âmes libres. Et, comme je ne suis pas non plus adepte du chaos et du règne de la force, je suis partisan d'un Etat-providence au service d'une société libérale.
Telle est l'esquisse des raisons qui font que je ne suis pas royaliste.
Pour finir, voici un petit reportage assez impartial dans les milieux royalistes :
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