samedi 31 janvier 2009

Le Grand Arcane des Parfaits - VII




La Puissance est un Apparaître,
Et l'Apparaître est toujours Puissance.
Celui qui apparaît s'actualise.
Celui qui s'actualise apparaît. 8

[Le Soi est comme un miroir limpide : de par sa pureté, il est disponible pour une infinité de reflets. Cette disponibilité est sa "puissance". Le Seigneur et sa Puissance sont inséparables. Concrètement, le Silence et les bruits du monde sont deux aspects du réel, un peu comme la vacuité et la forme chez les Bouddhistes.]

Je me savoure moi-même,
Parole en sept parties.
Merveille ! Je prend conscience de moi-même
Par la conscience de soi. 11

Je suis l'Être suprême.
J'apparais en moi-même,
Errant dans une joie perpétuelle.
Je m'épanche, me conserve, me boit (de nouveau).
Je suis le Seigneur qui se résorbe lui-même en lui-même. 12

Ces actions multiples, ininterrompues,
A commencer par l'élément Terre,
N'existent que si elle s'appuient sur ce royaume que je suis.
Moi, disponible, je me diverti dans le Soi, royaume suprême des actions divines.
Etre "facteur de l'action", c'est toujours exister en s'appuyant sur moi. 13-14

Je suis l'unique Puissance.
Je m'actualise en disant toutes les actions divines.
En l'état de la racine verbale,
Je scintille pour agencer toutes choses. 15

[Ces deux dernières stances parlent le jargon de la grammaire sanskrite, d'une extrême rigueur et depuis fort longtemps objet de réflexion. Selon la Reconnaissance, le verbe est le coeur vivant de toute phrase. Il est à la phrase ce que l'Acte de conscience "je suis je" est à toute conscience. Les "facteurs de l'action" - sujet, objet, instrument, finalité, lieu, origine, support - gravitent autour du verbe, en précisent le sens, et jouent ainsi le rôle de "facteurs de contractions". Ils sont les accidents par lesquels l'Acte infini se contracte en une conscience individuelle. Mais tout cela se déroule sur fond de conscience à jamais épanouie.]

Amritavâgbhava, Le Grand Arcane des Parfaits (Shrîsiddhamahârahasyam), Jammû, 2003.

2 commentaires:

  1. Merci à nouveau pour cet incroyable texte.Une question si vous permettez.Si l'être est bien un attribut du Sujet, de la conscience, quel est le statut ontologique et gammatical de l'objet, du cod,de l'accusatif?

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  2. Il n'y a qu'un seul et même être qui s'appréhende lui-même sous de multiples rapports qui correspondent aux différents cas (nominatif, accusatif, etc.). On peu ainsi montrer que tous les points de vue sont différents points de vue que l'être adopte sur lui-même. Selon D.P. Lawrence et d'autres indianistes, la plupart des philosophies de l'Inde tendent à dépersonnaliser l'agent : elles dévalorisent le nominatif en le réduisant aux autres cas. Voir, par exemple, le bouddhisme la Mîmâmsâ et l'Advaita Vedânta. La Pratyabhijnâ, au contraire, réduit tous les cas au nominatif et à l'action verbale.

    En Occident, un certain Burke (à vérifier) a de même essayé de classer les philosophies selon leur prédilection pour tel ou tel "facteur de l'action". En effet, il y a des philosophies du sujet (nominatif), de l'objet, d'autre qui mettent l'accent sur les instruments, sur la finalité, sur l'origine, sur le contexte socio-hitorique...

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