Quand la conscience revient sur
elle-même, l'expérience intime revêt deux parfums bien distincts, quoi qu’inséparables :
-le silence simple, absolument
immobile, sans discours intérieur, comme stupéfait, sorte de surprise muette
qui ne débouche sur rien, comme si on ouvrait les yeux, comme un bâillement,
comme un ciel sans nuages.
-la félicité, l'amour, l'élan de
pure élévation, comme une fontaine qui jaillit quelque part, pour ainsi dire au
centre de la poitrine.
Toute la vie intérieure est
contenue dans ce couple, selon que l'un où l'autre prédomine, se mélange ou se
refuse à l'autre. Dans la tradition du tantra, le dieu et la déesse jouent à
l'infini.
Mais le tantra repose aussi sur
l'intuition que toute expérience a un support corporel, quelque chose comme un
souffle, support d'une sensation intérieure.
Que dit la science ? Pour le
silence, eh bien... elle garde le silence. Cette conscience pure et simple,
sans sujet ni objet, reste de fait le "problème difficile" des
sciences cognitives. Ces dernières expliquent chaque jour un peu mieux le
fonctionnement du langage, du jugement, du calcul, des différentes sortes de
mémoire, de l'image corporelle, bref les fonctions mentales. Mais la conscience
elle-même reste un mystère. Cependant, il est probable que la conscience est
liée au cerveau. Bien que ce lien reste vague.
Mais l'expérience de la félicité,
de l'amour ? Quel est son support ?
Une piste qui semble riche est
celle du nerf vague. Situé au centre
du tronc et du cou, il régule, entre autres, la respiration et le rythme
cardiaque. Mais il stimule également la sensation ou le sentiment d'être
connecté à l'environnement. Ce qui est précisément le parfum caractéristique de
l'expérience de la félicité du cœur : on a le sentiment d'être "un
avec" toute chose, relié. Bien sûr, ce ne sont là que des mots, des
discours déterminés en grande partie par les habitudes. Les croyants évoqueront
le Christ, les bouddhistes parleront d'amour bienveillant (maitrī) ou de compassion (karuṇā). Les traditions de yoga
s'en remettent à une "rivière de nectar immortel" (amṛta-nāḍī) et autres images du même
ordre. L'agnostique préfèrera s'en tenir à une description sobre, ou dire que
nous sommes faits des étoiles.
Quoi qu'il en soit, il est
intéressant de noter que cette expérience, si singulière, forte et
bouleversante (avec ses nuances infiniment variées), a une contrepartie
corporelle.
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