dimanche 10 novembre 2013

Le nerf de l'amour



 
Quand la conscience revient sur elle-même, l'expérience intime revêt deux parfums bien distincts, quoi qu’inséparables :

-le silence simple, absolument immobile, sans discours intérieur, comme stupéfait, sorte de surprise muette qui ne débouche sur rien, comme si on ouvrait les yeux, comme un bâillement, comme un ciel sans nuages.

-la félicité, l'amour, l'élan de pure élévation, comme une fontaine qui jaillit quelque part, pour ainsi dire au centre de la poitrine. 

Toute la vie intérieure est contenue dans ce couple, selon que l'un où l'autre prédomine, se mélange ou se refuse à l'autre. Dans la tradition du tantra, le dieu et la déesse jouent à l'infini.
Mais le tantra repose aussi sur l'intuition que toute expérience a un support corporel, quelque chose comme un souffle, support d'une sensation intérieure. 

Que dit la science ? Pour le silence, eh bien... elle garde le silence. Cette conscience pure et simple, sans sujet ni objet, reste de fait le "problème difficile" des sciences cognitives. Ces dernières expliquent chaque jour un peu mieux le fonctionnement du langage, du jugement, du calcul, des différentes sortes de mémoire, de l'image corporelle, bref les fonctions mentales. Mais la conscience elle-même reste un mystère. Cependant, il est probable que la conscience est liée au cerveau. Bien que ce lien reste vague.
Mais l'expérience de la félicité, de l'amour ? Quel est son support ? 

Une piste qui semble riche est celle du nerf vague. Situé au centre du tronc et du cou, il régule, entre autres, la respiration et le rythme cardiaque. Mais il stimule également la sensation ou le sentiment d'être connecté à l'environnement. Ce qui est précisément le parfum caractéristique de l'expérience de la félicité du cœur : on a le sentiment d'être "un avec" toute chose, relié. Bien sûr, ce ne sont là que des mots, des discours déterminés en grande partie par les habitudes. Les croyants évoqueront le Christ, les bouddhistes parleront d'amour bienveillant (maitrī) ou de compassion (karuṇā). Les traditions de yoga s'en remettent à une "rivière de nectar immortel" (amṛta-nāḍī) et autres images du même ordre. L'agnostique préfèrera s'en tenir à une description sobre, ou dire que nous sommes faits des étoiles. 

Quoi qu'il en soit, il est intéressant de noter que cette expérience, si singulière, forte et bouleversante (avec ses nuances infiniment variées), a une contrepartie corporelle.

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