Alors que, pour la plupart des non-dualistes, la conscience est seulement conscience, regard sans désir, ni excitation, ni volonté, ni pensée, ni action, pour le tantra non-duel, la conscience est aussi désir, amour, acte et liberté. En réalité, ces mots sont synonymes. Les uns sont impossibles sans les autres. Tout simplement.
Il y a Dieu.
Il y a la Déesse.
Et il y a la Personne.
Dieu est "a", la Lumière consciente qui infuse tout, jusqu'au néant.
La Déesse est "ha", la réflexion, le retour sur soi, et ses inflexions infinies, jusqu'au moindre mouvement, jusqu'à l'acte le plus humble.
Et ces deux-là sont inséparables, comme le feu et sa chaleur. Et de cette union intime et pourtant remise en jeu à chaque instant, naît la Personne, une mais aussi unique : "m", résonance subtile (anu signifie à la fois "individu" et "subtil").
Puis la Personne meurt, reprise dans le jeu du Grand Soufflet divin, car "a" et "ha" sont aussi l'inspir et l'expir, le soleil et la lune, goût et dégoût, amour et haine. La Personne se déploie dans l'intervalle entre le Dieu et la Déesse, entre l'être et la conscience d'être, le désir d'être, l'acte d'être.
Ces trois - Dieu, Déesse et Personne - sont inséparables.
Aham : "je", le Mantra des mantras, le plus mystérieux des mots.
Ces trois sont la Triade sacrée - Trika dans la langue des dieux.
Non pas Dieu seulement. Ni la Déesse seulement. Ni la Personne seulement.
Mais Dieu compris comme Déesse et comme Personne. Déesse comprise comme Dieu et comme Personne. Personne comprise comme Dieu et comme Déesse.
Parce que la liberté, c'est le pouvoir de n'être pas confiné en ceci ou cela, fut-ce "Cela Qui Est".
La non-dualité n'est pas la disparition de la dualité, mais sa reconnaissance comme manifestation de l'unité. La dualité dans l'oubli de l'unité est sans doute une erreur. Mais l'unité dans l'exclusion de la dualité en est une autre. Car, s'il n'y a pas de dualité sans unité, il n'y a pas non plus d'unité sans dualité. Pas de vagues hors de l'océan, certes. Mais pas d'océan qui ne soit agité de vagues, non plus.
Pourquoi trois ?
Parce qu'avec deux, on reste dans le conflit. De deux choses, l'une. Soit l'un, soit l'autre. La vie s'arrête. Ou bien on se compromet dans la médiocrité.
Alors qu'avec un troisième terme, une réconciliation (qui est bien autre chose qu'un compromis) est possible. Mieux : un dépassement. Mieux : une création.
Unité
Dualité
Dualité dans l'unité
N'est-ce pas là le motif profond de l'attachement chrétien à la Trinité ?
Un seul Dieu en trois Personnes.
L'impersonnel. La personne. Et l'amour comme troisième terme.
L'impersonnel, seul, est abstrait.
Le personnel, isolé, est voué aux tourments.
Ce dépassement-qui-intègre est le mouvement même de la vie, de la conscience, du désir, bref de l'existence. A quoi bon en donner des exemples. Tout l'illustre !
Nous célébrons ce Shiva
qui, selon son libre désir et sans nul autre motif ou cause,
engendre à la fois contradiction puis réconciliation,
et aussi dualité puis non-dualité,
car il connaît l'essence de la conscience ! Abhinavagoupta, Méditation sur la Reconnaissance, II, 2, 1
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pas de commentaires anonymes, merci.