Aujourd'hui, "intellectuel" est devenu synonyme de superficiel, de compliqué, de vain.
Outre qu'il y a là sans doute le signe d'une impuissance intellectuelle - à l'image du renard de la fable - n'est-ce pas aussi qu'on a dissocié l'intelligence de l'amour ?
Et ceci semble vrai, hélas, jusque dans ce que l'on appelle "la spiritualité".
Or, amour et intelligence sont deux versants du Mont Sacré.
Le silence appelle le désir,
l'absence la présence,
le vide la plénitude.
La lenteur réfléchie est un hymne à l'ardeur mystique
et la rigueur de penser, une célébration du cœur.
La justesse des mots n'est-elle pas le corps de la justice ?
Permettez-moi de rappeler ici le chant d'Outpaladéva, à la fois philosophe et mystique, philosophe parce que mystique :
La vision des choses telles qu'elles sont
et la grande fête de ton adoration :
couple d'inséparables
qui grandissent sans cesse
en tes amoureux.
Hymnes, XIII, 7
Pourquoi faut-il sans cesse répéter que philosophie est amour de la sagesse ?
Et quelle sagesse, si ce n'est celle de l'amour ?
Quand Augustin demande la connaissance de Dieu et celle de son âme immortelle, à qui s'adresse-t-il ? A dame Raison. Oui : à la raison, à cette raison que tous méprisent aujourd'hui, le plus souvent au nom de quelques impressions infantiles idéalisées. Refus du réel. Régression. Et non plus transcendance. La raison est réduite à l'art de rédiger des notices et autres "procédures". Quelle laideur !
Or, raison et amour sont inséparables.
Raison culmine dans le silence.
Amour se meurt dans la béatitude.
Voilà pourquoi j'ai, à ma manière, certes superficielle, tenté d'attirer l'attention (l'amour ?) sur "l'autre versant du silence", pensé (sic) non comme une brume étrangère à un espace impersonnel, mais comme le bouillonnement même de l'océan sans rivages.
Jacqueline Kelen prévient :
"Tant que l'on dissociera l'intelligence et l'amour, on se retrouvera dans cette situation du monde moderne : d'un côté les gens intelligents, on dira même intellectuels pour préciser leur spécialité, nécessairement froids, voire méchants ; de l'autre ceux qui regorgent de bons sentiments et qui, conséquemment, peuvent s'abstenir de réfléchir...
Finalement, les troubadours, les Fidèles d'Amour, les philosophes néoplatoniciens ont réussi ce tour magnifique d'allier le goût de la perfection à l'appétit de bonheur. Et de nommer amour cette alliance miraculeuse. Les hommes modernes, assurément, peuvent les envier, eux qui la plupart du temps doivent choisir entre un bonheur morne et un savoir austère, entre la bêtise heureuse et l'intelligence tourmentée...
Quand on perd les mots, sans nul doute l'amour s'amenuise." (Amour, invincible Amour, pp. 108-114)
Je ne saurais mieux dire.
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