Dans toutes les cultures prémodernes,
les cinq sens sont hiérarchisés
selon leur proximité avec l'intellect
et les plus hautes parties de l'âme.
Le Pédagogue montre la fleur et sourit
En général,
la vue est considérée comme la faculté la plus noble.
En Occident, on a suivi Aristote sur ce point.
En Inde, dans la culture brahmanique indo-européenne,
l'opinion est la même.
Dans la philosophie tantrique de la Reconnaissance,
Abhinava Goupta considère, au contraire, que le toucher
est plus proche de la conscience.
Pourquoi ?
Sans doute parce que, dans sa doctrine,
la conscience comme Lumière (prakâsha en sanskrit)
n'est pas le cœur de l'être.
Ce cœur, c'est l'acte de ressentir, de réaliser, de prendre conscience,
désigné par le terme vimarsha, "pensée, jugement, appréciation",
glosé notamment par camatkâra, "délectation émerveillée"
et personnifié par la Déesse, Shakti.
Dans la tradition mystique chrétienne,
le toucher est important.
Ainsi le Docteur Mystique, Jean de la Croix,
parle de "touches substantielles"
qui peuvent d'un seul coup arracher l'âme à ses imperfections.
De plus, ces touches "sont si sensibles qu'elles font parfois
frémir non seulement l'âme
mais aussi le corps." (Montée, II, 26)
Cependant, Jean est d'avis que le toucher
est inférieur à l'ouïe, par exemple :
"Le sens de l'ouïe est plus spirituel,
ou pour mieux dire,
a plus d'affinité avec le spirituel
que le toucher,
et ainsi la délectation qu'il cause
est plus spirituelle
que celle que cause le toucher.
(Cantique, 13, 13)
Evidemment, la mystique tantrique valorise aussi
le son.
Mais il est amusant de voir comme les hiérarchies
varient d'une tradition à l'autre,
voire chez un même auteur dans une même tradition.
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