mardi 9 mai 2017

Mouvement immobile



Dans la tradition du Cachemire,
l'expérience de notre Centre
est décrite comme vibration ou frémissement.
Mais si cette essence est vibration, cela signifie qu'elle "va  vers" un autre,
et que donc elle n'est pas "tout", qu'elle n'est pas "non duelle", ni "sans second"...
La tradition répond que ce mouvement est, en vérité, ineffable,
au-delà des mots, c'est une "vibration en quelque sorte".
Ce "en quelque sorte" veut dire que cette vibration est un mouvement sur place, comme une toupie, un mouvement en soi, comme une eau en ébullition, un mouvement de soi vers soi, comme un cercle qui tourne sur lui-même.
Autant de manières d’évoquer ce qui dépasse toute compréhension,
mais dont chacun peut faire l'expérience directe.

Dans le platonisme, on retrouve l'idée, non pas de la vibration,
mais du cercle qui tourne, immobile,
image frappante d'un mouvement immobile.
D'ordinaire, le mouvement est l'expression d'un désir,
d'un éros, d'un élan, motivé par un manque.
"Le désir est manque"...
L'émotion est, souvent, compensation.
Mais ici, ce mouvement va du plein vers le plein,
comme dans ces rivières impossibles dessinées par Escher,
comme en un mouvement perpétuel.
Cependant, le manque est là,
et il n'est pas entièrement négatif,
puisqu'il est créateur.
Mieux vaut un manque vivant,
plutôt qu'une plénitude mortifère.

Dans la sagesse de Sohrawardi le Persan, 
on retrouve ce paradoxe du mouvement immobile,
déjà évoqué dans les Oupanishads de l'Inde antique
et dans la Métaphysique d'Aristote.
Notre vraie nature est le Simorgh, oiseau fabuleux
qui incarne le Soi, la part de Lumière inaltérable en chacun :

 "Cette Simorgh [Corbin traduit au féminin] prend son essor
tout en restant immobile ;
elle vole sans franchir de distance ;
elle s'approche, et pourtant elle n'a parcouru aucun lieu.
Sache que toutes les couleurs dérivent de la Simorgh, 
mais qu'elle-même n'a aucune couleur.
Son nid est en orient,
mais sa place en Occident ne reste pas vacante.
Tous sont préoccupés d'elle,
mais aucun ne la préoccupe.
Tous sont remplis d'elle, 
mais elle est vide de tous.
Toutes les connaissance dérivent de l'incantation 
de cette Simorgh..."

(Sohrawardi, L'Incantation de la Simorgh, trad. Corbin)

Ainsi, notre véritable nature est paradoxe.
Mais un paradoxe fécond, 
source de toutes les opinions, 
appel auquel chacun tente de répondre,
instant après instant.

Rencontre autour de la Vibration (spanda)
dans le Shivaïsme du Cachemire
à Paris, vendredi 12 mai,
cliquer sur le lien :
http://shivaisme-cachemire.blogspot.fr/2017/04/la-voie-de-la-vibration-rencontre.html

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