La conscience se manifeste,
et se réalise en se manifestant.
Elle ne manifeste pas les choses en restant passive,
comme une lampe ou un miroir,
mais elle se manifeste comme elles,
à travers elles,
comme quand on imagine une scène, par exemple.
Si je visualise un croissant,
je le perçois comme différent de moi,
tout en ayant conscience
que c'est moi, ma conscience,
qui se manifeste ainsi,
sous l'apparence de ce croissant.
La conscience, le Soi, Dieu, etc.,
comme on voudra l'appeler,
se manifeste.
Rien n'existe ni ne peut exister indépendamment d'elle.
C'est donc elle qui se manifeste ainsi,
comme ceci et comme cela.
C'est elle qui ainsi
se réalise, se crée, se ressent, se pense,
se juge, se représente, se remémore, s'oublie,
se perçoit, se dit, se fait devenir,
se fait grandir et progresser.
Dans le langage de la Reconnaissance (pratyabhijnâ),
on dira que l'absolu n'est pas seulement
Lumière consciente qui manifeste (prakâsha, "lumière", "illumination") les choses et les êtres,
mais aussi qu'elle se réalise ainsi,
se goûte elle-même, se découvre, s'émerveille,
se savoure, s'éprouve, s'aime et se sonde (vimarsha, "pensée", "jugement", "réflexion").
Vimarsha est incarné par la Déesse, la Shakti.
La Shakti est donc vimarsha, "réalisation" dans tous les sens de ce terme, aussi bien comme pensée, "bavardage intérieur" (antar-jalpa, vikalpa), que comme désir, sensation ou intuition ;
comme quand on "réalise" que l'on est vivant, au sens de "prendre conscience de".
Aussi, comme "s'identifier à" un personnage, à une expérience, au sens de
"se prendre pour". Par exemple, "je réalise que j'ai faim !" : selon la Reconnaissance, je suis la conscience universelle qui joue librement à se réaliser ainsi,
à s'expérimenter de cette manière.
Cette réalisation de soi est, selon la Reconnaissance
et le "shivaïsme du Cachemire", le cœur vivant de tout.
C'est un acte de "se ressentir comme", de "se prendre pour".
Il est essentiel de bien l'entendre, sans quoi on prendra
cette philosophie de la Reconnaissance pour une simple
variante du Védânta, du genre : "Shiva est la conscience immobile ;
et la Shakti est l'énergie qui danse devant lui". Mais la Reconnaissance
dit que Shiva et Shakti sont inséparables, "comme le feu et sa chaleur".
Shiva est donc l'être, l'absolu, ou la conscience si l'on veut,
mais comme pouvoir d'illuminer, de manifester.
Shakti est le fait que, brillant ainsi,
l'absolu se manifeste, se fait manifestation,
et se réalise ainsi sous telle ou telle forme,
comme individu en particulier.
Shakti est synonyme de désir, de pensée, de raison, d'imagination,
de ressenti, et non d'une vague "énergie", comme si Shakti
était synonyme d'une force physique privée de conscience,
alors que les philosophes de la Reconnaissance
ne cessent de répéter qu'elle est précisément le contraire !
Nous devons vraiment faire cet effort
pour changer de modèle si nous voulons
entendre ce que la Reconnaissance a à nous dire.
Sans cela, nous en resterons aux généralités du "tantra"
tel que la plupart des gens le comprennent aujourd'hui.
Et ce serait fort dommage...
Bien entendu, je ne cherche à convaincre personne.
Non, non, surtout pas.
Je voudrais juste partager un verset d'Outpaladéva :
Sans unification
des expériences,
la vie quotidienne serait impossible.
Or, cette unification dérive
de l'unité de la lumière consciente.
Il est donc prouvé
que cette (lumière-conscience)
est l'unique sujet (de toutes les expériences).
Et ce (sujet) est le Seigneur de tout
en personne, car il (se) réalise (ainsi)
instant après instant,
car cette réalisation de Dieu
sont sa créativité et sa conscience
à l'état pur !
Outpaladéva, Pour la Reconnaissance du Seigneur en soi (Ishvarapratyabhijnâ), I, 8, 10-11
Recontre autour de la Reconnaissance,
ce dimanche 21 mai à Paris :
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