mercredi 1 mai 2019

La liberté de la conscience, qu'est-ce que ça veut dire ?

La LUMIÈRE du SOLEIL nous stimule à passer une excellente journée ....Sun's LIGHT gaves us a NICE and a beautiful DAY....

Le propre du shivaïsme du Cachemire et de sa branche "philosophique", la Reconnaissance, c'est d'affirmer que la conscience est libre, qu'elle est liberté. Elle ne l'est pas seulement au sens ou elle serait transcendante (au-delà de tout) et inaffectée, mais aussi et encore plus au sens où tout est manifestation de la conscience, tout est conscience qui désire se manifester ainsi.

Autrement dit, l'absolu est désir, créativité, action.
C'est ce qui distingue le shivaïsme du Cachemire d'autres doctrines comme celles du Vedânta ou de l'idéalisme bouddhique (vijnâna-vâda). Ces doctrines ont en commun d'affirmer que "tout est conscience", mais elles l'entendent en des sens différents.

Pour le Vedânta, "tout est conscience" parce qu'il n'y a que la conscience, absolument une, sans rien d'autre. En d'autres termes, tout est illusion, dépourvu de la moindre réalité. La conscience du monde (de la dualité) est annulée, réfutée, supprimée par la conscience de l'absolu,de l'unité. Dans le cas de l'illusion de la corde prise pour un serpent, la conscience de la corde contredit et invalide la conscience du serpent. Le phénomène-serpent disparaît quand la corde est vue. Evidemment, cette doctrine est elle-même contredite par l'expérience. D'où les débats sans fin dans le milieux "non-dualistes", dans la mesure où ils sont inspirés par le Vedânta.

Pour l'idéalisme bouddhique, "tout est conscience", parce que seule existe ma série psychique, qui se manifeste à chaque instant à la fois comme sujet et comme objet, comme dans un rêve. Mais il n'y a que cette série de cognitions instantanées, rien de plus. Pas de conscience permanente, pas de conscience universelle, transpersonnelle, etc. Et bien sûr, on se demande comment, dans ces conditions, une expérience intersubjective est possible ? Sans un monde commun, sans une conscience commune, comment puis-je même connaître une autre conscience ? Ce bouddhisme n'évite pas le solipsisme ("moi seul existe"). Il est pourtant à la base de tout le bouddhisme tantrique. Il propose des analyse fines, mais il n'explique pas l'expérience commune, pas plus que le Vedânta.

Or, l'expérience commune ne peut s'expliquer (et elle doit l'être, car elle se manifeste) que si l'on admet qu'il existe une conscience universelle qui se manifeste librement comme cette expérience et qui est donc libre de diviser et d'unifier les éléments de l'expérience (les cognitions). Pour le shivaïsme du Cachemire, "tout est conscience" signifie que tout est conscience prenant conscience d'elle-même, librement, c'est-à-dire non à cause d'une illusion subie (et inexplicable, selon le Vedânta), ni à cause d'habitudes immémoriales (d'où viennent ces habitudes, ces traces ?), mais spontanément, en se réalisant soi-même, directement, à travers ces formes. 

Voilà pourquoi le shivaïsme du Cachemire  affirme que le Vedânta et l'idéalisme bouddhique sont "incomplets" :

atra ubhayatrāpi vedanasya svātantryaṃ 
jīvitabhūtaṃ viśvanirmāṇahetuḥ, - iti na cetitam
Dans ces deux [doctrines du Vedânta et de l'idéalisme bouddhique], la liberté de la conscience n'a pas été réalisée en tant que vie et cause de la production de toutes choses.
(Yogarâja ad Paramârthasâra 27)

La liberté de la conscience signifie donc que la conscience n'est pas une entité statique, incapable de changement.

Ensuite, cela signifie que la dualité et l'unité ne se contredisent pas. J'ai écrit de nombreux billets à ce sujet. J'y avait consacré une étude en 2001 (Le Seigneur Sans Second : la problématique de l'un et du multiple dans la philosophie de la Reconnaissance) qui n'a pas été publiée, et j'avais approfondi la question dans ma thèse Le Temps et l’Éternité dans la théologie d'Abhinavagupta en 2009, inédite elle aussi.

En substance, la Reconnaissance suggère que la réalisation de l'unité ne supprime pas l'expérience de la dualité, c'est-à-dire l'expérience du monde, attendu que le monde est littéralement tissé de dualité et de différences (bheda). Unité et dualité ne se contredisent pas, car ce sont deux manifestations de la conscience. Les choses se contredisent, certes, comme la lumière et l'obscurité. Mais la conscience peut accueillir ces contraires et les synthétiser à sa guise. C'est cela aussi, la liberté de la conscience. La conscience est une magie et cette magie est libre créativité, liberté. Pourquoi ? Parce que la dualité, c'est la conscience qui se manifeste ainsi. La dualité n'est pas un fantôme venu se superposer (selon l'image du Vedânta) sur le miroir de la conscience, car il n'y a rien en dehors de la conscience. La dualité, c'est la conscience qui se réaliser, qui prend conscience d'elle-même, de cette façon. Pourquoi ? Gratuitement, par jeu. 
La libération n'est pas la disparition de la dualité, mais la prise de conscience que la dualité est manifestation de l'unité consciente. S’apercevoir que le paysage que je vois est un reflet sur l'eau ne fait pas disparaître ce reflet, pas plus que le reflet ne cache réellement la surface plane de ce lac. Il n'y a pas contradiction entre l'un et le multiple, entre l'unité et la dualité, entre le Même et l'Autre. Cette absence de contradiction est la liberté de la conscience, la liberté qui est la conscience.

Je suis d'accord avec ces idées et je trouve qu'elles offrent une explication plus complète et plus inspirante que celles du Vedânta et de l'idéalisme bouddhique.

3 commentaires:

  1. Bonjour
    Connaissez vous mon livre ´l’orient et lacan’ qui puise dans le sivaïsme du cachemire?
    Cordialement.

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  2. totalement en accord..

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Pas de commentaires anonymes, merci.

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