L'absolu est action. Pas substance mais acte. Il est la source et le cœur des actes, comme prendre, donne,r vivre, mourir, etc. L'absolu ("Dieu") est à la fois l'agent de l'action et l'action elle-même, il est cette activité qui se déploie sans cesse.
A chaque instant, l'acte est tous les actes simultanément, et en particuliers les cinq actes ou les cinq "œuvres" : manifester, faire subsister, résorber, cacher et révéler. J'y reviendrais mais voici comment Kshéma Râdja résume tout cela dans le verset de bon augure de son Cœur de la Reconnaissance :
namaḥ śivāya satataṃ pañcakṛtyavidhāyine |
cidānandaghanasvātmaparamārthāvabhāsine ||
Je salue Dieu
qui sans cesse déploie cinq œuvres
qui ont pour but ultime
de rendre évident notre propre Soi,
félicité consciente infaillible !
Traditionnellement, un verset inaugure tout acte, toute entreprise, et ici il augure en particulier l'acte de reconnaissance de l'absolu par lui-même. Comment ? En célébrant le fait que l'absolu est action, acte total et libre.
Cette action est alimentée par un désir, comme toute action. Et le désir est inséparable de la conscience et du plaisir. Mais ici, le désir ne vient pas d'un manque. Il jaillit d'une plénitude. C'est un débordement, dont les désirs ordinaires ne sont que des gouttelettes.
C'est un acte (ou une action) gratuit, sans finalité extérieur (il n'y a rien en dehors de la conscience, de l'action totale, comme il n'y a pas de vagues en dehors de l'océan), et c'est donc une sorte de jeu. Ce jeu a pour but - mais un but interne - le plaisir de jouer : "rendre évident notre propre Soi". L'absolu se cache et se révèle à soi. Pour le vertige de se perdre et de se retrouver. Sauvagement, sans délibération préalable (car il n'y a rien avant, l'"avant" est manifesté dans le présent absolu), sans planification, plutôt à la manière d'un musicien en improvisation. Une sorte de dialogue intérieur, entre soi et soi. Il y a comme une fuite hors de soi, mais en soi. L'absolu n'est pas prisonnier de soi. Au contraire, il est libre de tout "soi" fixe, et c'est la sa liberté. Mais il ne sort pas réellement de soi. Sinon il ne serait plus conscience, plus action, plus désir, et tout sombrerait dans des ténèbres plus noires que le néant. C'est une conscience, une infinie réalisation de soi, une création continue, un écart à chaque instant effectué et repris, manifesté et aussitôt effacé, un deux-en-un plus rapide que tout discours. C'est la vibration, le désir, la fulguration qui est l'absolu, le cœur du cœur de tout. Rien n'est exclu de cette explosion de conscience et de plaisir, car rien ne peut exclure la conscience, vu que rien n'est possible sans conscience. Tous ces milliards de milliards d'univers reposent sur cette vérité d'une simplicité enfantine : rien n'est, sans conscience. Tout est conscience. Chacun peut le vérifier à chaque instant. "Sans cesse" la reconnaissance est possible. C'est la conscience qui s'égare en elle-même et seule la conscience peut se délivrer elle-même, en se reconnaissant comme ce flot de perceptions et de pensées, en cet instant même. Elle est le flot et ce qui dépasse infiniment le flot, comme l'océan est les vagues, tout en étant "quelque chose de plus" que toute vague, si grande soit-elle.
Je peux dire que l'accomplissement est cette reconnaissance, cette participation à l'oeuvre divine. Tout cela peut paraître vertigineux, scandaleux, merveilleux ou probablement un peu de tout cela à la fois. C'est du moins la clé. Sans cela, tout tourne mal. Avec cela, même le mal tourne en bien. C'est logique. C'est vérifiable. C'est intuition et raison.
Tout est dit dans ce tout premier verset, de même que tout est présent au tout premier instant de n'importe quelle expérience. Le texte (tantra) épouse la texture même du réel. La Reconnaissance est aussi création, car elle parle de la création. Elle est la création qui parle, car parler c'est créer, d'une langue singulière qui est quand même une parole.
Bref, tout est là.
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