La lettre A en écriture "citadine"
La philosophie de la Reconnaissance (pratyabhijnâ) enseigne à travers des concepts. Le rituel de la Triade (trika) enseigne à travers des symboles.
L'un de ces symboles est le son A.
Dans le Tantra de la reconnaissance de soi (Vijnâna Bhairava Tantra), la pratique du A est ainsi décrite :
Déesse !
On doit réciter le [son] "a"
sans nasalisation ni expiration sourde.
Alors jaillit soudain le flot de connaissance sacrée,
le Maître des maîtres. 90
Le commentaire explique que le son A, récité sans "nasalisation" (sans "point", bindu) ni "expiration sourde" (sans "éjaculation d'air", visarga) symbolise l'absolu "qui consiste à ne penser à rien" et qui est indiqué par la Grande Oupanishad sylvestre (Brihad-âranyaka):
Ainsi est l'Immense, sans second.
En vérité, tout cela est l'Immense.
Mais c'est aussi un "ressenti". Il suffit d'énoncer A, physiquement ou non, pour entrer dans le "torrent de la connaissance sacrée", la simple présence qui est le fond vivant de toute chose. Ce "torrent immortel" (amara-ogha) est le flot de la conscience, l'extase qui est l'absolu qui crée toute chose en se créant lui-même. C'est une présence qui illumine les pensées (qui ne se laisse pas prendre en elles) et qui se manifeste comme ces penses (qui n'est pas enfermée en elle-même). Comme un miroir, elle est à la fois indestructible par ses reflets, et ouverte, réfléchissante, fluide, infiniment plastique.
Ce A est l'absolu silencieux par excès d'éloquence dont parle ce vers :
Il le proclama par l'absence de paroles.
Ecoutez ! Il devint silencieux.
Vâmana a expliqué la pratique du A dans sa Réalisation non-duelle (Advaya-sampatti) :
Au centre du Cœur, il y a un lotus.
Sur sa corolle trône le Soi
[sous la forme de A].
A la fin de A, il y a ce que l'on peut décrire
comme un frémissement :
la simple conscience, subtile, transcendante.
Mais l'absolu n'est pas un eunuque. Il est "accompagné de sa Puissance", symbolisée par HA, la conscience de soi, la prise de conscience, aussi appelée "vague", "désir", "élan", "pensée" :
Cette Puissance du souffle
résonne pour ainsi dire
dans le corps comme HA.
Le yogî la reconnaît clairement
lovée au creux de l'oreille.
Le A symbolise l'absolu comme silence, car A est présent en toutes les autres syllabes. Comme aucun corps ne peut exister si l'espace ne lui donne pas lieu, aucun son ne peut être proféré sans A.
De plus, A est le son le moins différencié, jaillissant, guttural, du fond de la gorge. Il accompagne et inspire la méditation de Shiva. Blanc, sa lumière brille dans le cœur et est ressentie comme une clarté qui jaillit par les yeux et l'ensemble du corps.
HA est la Déesse, inséparable de A. HA est réalisation de A.
Or, quand A et HA s'unissent, ils engendrent l'individu, M,
noté par un point.
Et tout cela ensemble, AHAM,
signifie "je", car tout est réalisation de "je",
toute expérience, instant après instant,
est réalisation de soi.
La pratique de A est donc la pratique du silence intérieur, absolument simple, paisible, limpide, transparent, nu, "sans penser à rien", sans soucis.
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