Je précise d'emblée qu'à mes yeux, l'idéalisme est suffisamment prouvé par l'expérience ordinaire de tout un chacun. Mais il peut être intéressant de chercher des arguments supplémentaires. Après tout, des sommes importantes sont investies dans la recherche en neuro-science, pourquoi ne pas le considérer, même si cela n'est pas nécessaire ? Si demain nous avions une preuve solide de l'existence de la conscience indépendamment du cerveau, cela changerait sans doute bien des opinions. Bien sûr, je sais qu'il existe bien des livres qui prétendent établir l'existence d'une "vie après la mort", mais souvent ces discours prêchent aux convaincus : ils n'apportent pas de preuve solide et contraignante.
Bernardo Kastrup, un philosophe idéaliste américain, propose dans son Why Materialism is Baloney (chapitre 2) un argument moins fort, mais pertinent : chercher les situations où une baisse de l'activité cérébrale se traduit par une augmentation de l'activité consciente. Son raisonnement est le suivant : si le matérialisme dit vrai, alors l'activité cérébrale est la cause de l'activité consciente. Une baisse de la première devrait donc se traduire par une baisse de la seconde.
Or, selon lui et d'autres, c'est loin d'être toujours le cas.
1. Dans cet article, on note que la prise de substances psychédéliques qui semblent réduire l'activité cérébrale, au moins dans certaines zones, se traduit étrangement par une intensification de l'expérience subjective. On pourrait expliquer ce défaut de corrélation par l'hypothèse du cerveau-filtre : le cerveau agirait comme un filtre pour sélectionner certaines zones du "spectre conscient" ou du champs de l'activité consciente qui, en lui-même serait bien plus vaste. Le cerveau, selon l'image proposée par Bergson, agirait comme un filtre de restriction. A chaque fois que ce filtre disparaît, l'expérience subjective s'élargit. Ce qui semble corroboré par les expériences psychédéliques. Ce serait un indice de l'indépendance de la conscience par rapport au cerveau.
2. Selon cet autre article, il en va de même dans les EMI ou "expériences de mort imminente". Comment expliquer qu'un cerveau en pleine faillite énergétique soit cause d'une expérience si riche, voire plus riche que les expériences ordinaires ? Si le cerveau est bien la cause de la conscience, leur évolution ne devrait-elle pas être corrélée ? Or elle l'est souvent, mais pas toujours.
3. On retrouve ce même phénomène dans les états de conscience induits par une baisse de l'apport d'oxygène au cerveau. Une pratique d'hyperventilation (holotropique, bhastrika, méthode Wim Hof...) fait baisser l'apport d'oxygène aux organes, dont le cerveau (contrairement à ce que l'on croit, l'hyperventilation n'est pas une hyper-oxygénation des organes, mais seulement du sang, à cause de "l'effet Bohr"). Or, cet appauvrissement mène à des expériences de clarté de la conscience, d'expansion, d'intensification. Chacun peut l'essayer, le moyen le plus simple étant sans doute la méthode Wim Hof :
Si le cycle est répété, l'expansion de conscience est clairement ressentie. Comment expliquer cette expérience, alors que le cerveau reçoit moins d'oxygène ? Il en va de même dans les évanouissements, par exemple dans le cas des pilotes de chasse, qui rapportent des expériences semblables à celles des EMI.
4. La stimulation magnétique trans-crânienne permet aussi de neutraliser provisoirement certaines zones. Elle peut induire des états d'expansion, comme si un "filtre" était momentanément ôté. Ce procédé est actuellement employé en psychiatrie :
5. Certaines ablations chirurgicales de zones du cerveau semblent induire des expériences d'expansion. C'est notamment le cas (célèbre) du docteur Jill Bolte Taylor (sous-titré) :
6. L'univers de la création artistique et intellectuel est non moins riche en cas où un accident cérébral débouche sur la "révélation" d'un talent sans lien apparent avec le passé de l'individu. C'est en particulier le cas dans le Syndrome D'Asperger, comme par exemple chez cet enfant :
Comment expliquer que l'absence de tel ou tel "filtre mental" se traduise par l'apparition de nouvelles capacités ? Comment une déficience cérébrale pourrait-elle causer une telle efficience mentale ? Bergson pensait que l'artiste est celui qui voit la réalité sans filtres, ou du moins avec certains filtres en moins. L'artiste n'a pas quelque chose de plus, au plan cérébral, mais quelque chose de moins que les autres. Ce qui rejoint l'intuition de Rousseau, selon laquelle tous les hommes naissent géniaux, mais que l'éducation les corrompt, en quelque sorte. Dans ce cas, l'éducation, c'est la fabrication de filtres mentaux qui vont exclure du champ conscient des zones entières. Bien sûr, cela est, sans doute, en partie nécessaire pour rendre possible la vie quotidienne.
Comme je disais d'emblée, ce ne sont pas là des preuves indiscutables, mais ce sont des faits troublants. Comment expliquer cette contradiction entre l'hypothèse matérialiste et ces cas bien avérés ? Le cerveau est-il la cause de la conscience, ou bien un filtre de la conscience ? La conscience n'est-elle pas, elle-même, la cause du cerveau ? Sachant que rien n'est perceptible, imaginable ni concevable en dehors de la conscience, n'est-ce pas plutôt la conscience qui est la cause de tout ? Ne faut-il pas alors envisager que c'est la conscience elle-même qui, librement, se contracte, s'exclut et s'oublie en partie ?
A mon sens, l'expérience ordinaire suffit à établir l'idéalisme. Mais ces cas, dont certains sont faciles à reproduire, ajoutent un argument supplémentaire.
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