"Le Seigneur dit :
Je vais maintenant te dire l'adoration (pujâ) intérieure du Soi qui est la purification des purifications, destruction de toutes les ténèbres. [purification = pâvanam litt. "la ventilation", l'aération suprême] VI, I, 39, 1
...
"Je suis la plénitude même,
pleine de tout" :
telle est l'adoration divine,
pure, miracle du Soi/ émerveillement de soi.
...
En vérité, il adore cette conscience divine, transcendante,
cette pure et simple conscience avec tout ce qu'il obtient,
avec un intellect égal.
Il adorera avec tout ce qui se présente.
Que l'on ne fasse aucun effort
pour obtenir ce que l'on n'a pas.
Que l'on célèbre chaque jour le Seigneur resplendissant
avec ce corps et selon ses pouvoirs,
qu'on le vénère entièrement à travers le désir et le plaisir (kâma).
Qu'on l'adore avec ce que l'on mange,
à travers tous les états d'âme,
en se couchant,
que l'on vénère ainsi Shiva selon ce qui arrive.
Que l'on adore le Soi
en pleine intelligence (sambuddhyâ)
avec la bien-aimée, avec la nourriture,
se divertissant en des débordements de pleine jouissance
à travers toutes les formes de plaisir !
Qu'on l'adore par la maladie et par la santé,
par l'égarement et par nos projets,
à travers pertes et profits,
tels qu'ils arrivent !
..."
Etc., etc.
(Yoga selon Vasishta, alias Le Livre qui est le Moyen d'atteindre la Liberté)
N'est-il pas évident que cette oeuvre, composée au Cachemire, est pleine de l'esprit "tantrique" du shivaïsme du Cachemire ?
Quelques versets plus loin, le "Seigneur" nous enjoint de l'adorer avec tout, pur ou impur, sans se soucier de ce qui est permis ou non, mais aussi avec les qualités d'un cœur noble, droit (riju, ârjava).
Voilà le shivaïsme du Cachemire. Un tantrisme sans tabous, mais sans vulgarité. Un Tantra nourrit d'art, de poésie et de tout ça. Rien à voir avec le tantrisme, en fait. Ni avec le néoTantra.
Quand on écoute les maîtres de ce shivaïsme, puis qu'on lit ensuite les tantras et les satires de Kshémendra, on ne peut qu'être frappé par les contrastes. Spendeur d'intellegence d'un côté ; nef des misères de l'autre. Mais tout s'explique si l'on voit que le "shivaïsme du Cachemire" s'inspire d'une certaine liberté de mœurs du tantrisme, mais en le purgeant de sa grossièreté, de son obsession des pouvoirs, de l'occultisme et de ses délires ridicules.
Voilà pourquoi ceux qui, aujourd'hui encore, cherchent en Inde le "shivaïsme du Cachemire" dans les milieux sâdhus, aghoris, etc. ne trouveront jamais rien d'autre que déceptions et tromperies. S'ils ont de la chance. Car le shivaïsme du Cachemire s'inspire de la culture tantrique, mais dans un tout autre esprit, c'est-à-dire dans un esprit de beauté, de finesse, d'intelligence, de raffinement, bien loin des pitreries des sâdhus et autres sdf de l'Inde.
Qui sont fort sympathiques, pittoresques. De même ces "brahmanes" pseudo védântistes et pseudo tantriques, ces pandits dégoûlinants et ces panda décadents, ces pûjârîs décatis et ces baba croulants. Si nous allons à leur rencontre, ça n'est certes pas dans l'espoir d'une quelconque "transmission" de ganja diarrhéique ou d'une shakti pourrie, non merci.
Si nous allons batifoler à Bénarès, c'est pour rencontrer, parler, échanger, embrasser. Qui ? L'humanité. Celle qui n'est pas encore entièrement aseptisée, juridicisée, numérisée, celle qui n'a pas encore été gâtée par les ateliers de "Communication Non Violentes", de touche-pipi et autres pathologies. Celle qui a été préservée de la peste du "en conscience" et autres "conscientisations", de la rage de la "Bienveillance du Cœur" et autres épidémies de connardvirus kundaliniens.
Om camatkritivapushe namo namah