La non-dualité est un concept
formé par exclusion de la dualité. Parler de "non-dualité", c'est dire "non" à la dualité. Or la dualité, c'est poser une chose en
excluant tout ce qui n'est pas elle. Donc la non-dualité est l'exclusion de
l'exclusion, encore une exclusion. Dire "non" au "non", c'est encore dire "non"... Donc la non-dualité fait partie de la
dualité.
C'est pourquoi Abhinavagupta
propose une non-dualité ultime qui ne serait pas l'exclusion de la dualité,
mais la reconnaissance en toute circonstance que la dualité est la
manifestation d'un fond d'unité - la conscience qui lit ces lignes (ou pas).
La dualité est manifestation de
la non-dualité. La reconnaissance de la non-dualité n'annule pas la dualité,
mais la transfigure, la transforme, la transmute, comme on voudra.
Donc il y a une unité -
appelons-la "conscience" - qui est par-delà Bien et Mal. Mais elle
n'est pas neutre. Elle est bonne. Comment est-ce possible ? Parce que le Mal
fait partie d'un Bien plus vaste, de même que l'inconscience est une façon pour
la conscience de prendre conscience d'elle-même, de même que l'aliénation est
une forme de liberté sauvage et que l'ignorance est une connaissance
incomplète.
A la suite de ce que j'ai dis ici et là, je ne puis que confirmer que ce genre de discours peut servir à
justifier les pires horreurs.
Pour autant, ce discours et,
surtout, l'expérience qui le nourrit, sont-ils horribles ? Pas du tout.
Simplement, il y a des choses qui sont belles dans un contexte et qui
deviennent laides dans un autre. Pour prendre un exemple trivial, faire l'amour
est beau, mais vouloir le faire avec un enfant - ou le lui montrer - conduit à
une forme de laideur. De même, la "non-dualité ultime" est belle et
bonne pour l'individu. Mais elle deviendrait une atroce tyrannie si elle
devenait la doctrine d'un peuple ou d'un Etat. Un exemple analogue est celui du
stoïcisme : belle morale qui fait de nécessité vertu, elle devient
totalitarisme abominable si l'on en fait une doctrine politique.
Donc, non seulement il y a une
différence entre une expérience impersonnelle infra-rationnelle et une autre,
trans-rationnelle, mais encore il y a une différence entre une doctrine si elle
est adressée à un individu en son intimité ou à un groupe. Ce qui est vertu à
une échelle devient vice à une autre. C'est ainsi qu'un discours impersonnel
est beau et bon s'il s'adresse à un individu et émane d'une expérience, et
mauvais et laid s'il émane d'une institution (d'une entreprise, d'une secte,
voire, d'une Église) ou d'un État, ce "plus froid des monstres froids".
Il en va de même pour tous les discours
mystiques et radicaux. C'est aussi pourquoi je pense qu'il est bon de toujours envisager
les religions et les philosophies comme expressions d'une expérience - tout en gardant
un œil sur ce qui peut se passer si ces expériences deviennent vérités d’Évangiles
pour "guider le peuple" ou accroître la compétitivité.
Voilà pourquoi un même discours impersonnel
et non-dualiste peut sembler foudroyant ou effroyable.
Comme le dit le pasteur E.W. Jackson : "Beware of systems of spirituality which tell you to empty yourself. You will end up filled with something you probably do not want."
RépondreSupprimerhttp://tinyurl.com/m5apsas
Je suis tout a fait d´accord, Messieur Dubois.
RépondreSupprimerPouvez-vous me indiquer quelque livre en francaise ou anglais sur l´epistemologie, linguistique, des sistemes bramaniques, shamkya, vedanta, mimansa, nyaya, etc.
Je suis interesé en la relation entre conscience, individu, langue, parole, sujet, object, etc.
Cordialement salut.
"Le yoga est satanique". "Satan aime le vide". Euh... Je croyais que le vide appelait la plénitude de Dieu ? Ah, mais c'était Maître Eckhart qui disait quelque chose comme cela : "Dieu ne peut résister à une âme vide". Encore un suppôt du Démon !
RépondreSupprimerSinon, sur l'épistémologie en Inde, il y a le livre de Hulin (épuisé) :
http://www.amazon.fr/Comment-philosophie-indienne-sest-elle-d%C3%A9velopp%C3%A9e/dp/2755700947/ref=sr_1_27?ie=UTF8&qid=1370677973&sr=8-27&keywords=michel+hulin
En anglais, il y a les livres de Bimal Krishna Matilal, par exemple celui-ci :
http://www.amazon.fr/Perception-Classical-Indian-Theories-Knowledge/dp/0198239769/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1370678025&sr=8-1&keywords=krishna+matilal
Ave