"Sitôt que l'âme est en pente
centrale, c'est-à-dire, tournée au dedans d'elle-même par le recueillement, dès
ce moment elle est dans une action très forte, qui est une course de l'âme vers
son centre qui l'attire et qui surpasse infiniment la vitesse de toutes les
autres. C'est donc une action, mais une action si noble, si paisible, si
tranquille qu'il semble à l'âme qu'elle n'agit pas ; parce qu'elle agit comme
naturellement.
Lorsqu'une roue n'est que
médiocrement agitée, on la distingue bien ; mais lorsqu'elle va avec une grande
vitesse, on ne distingue plus rien en elle. De même l'âme qui demeure en repos
auprès de Dieu a une action infiniment noble et relevée ; mais une action très
paisible. Plus elle est en paix, plus elle court avec vitesse ; parce qu'elle
s'abandonne à l'Esprit qui la meut et la fait agir. n. 2.
Cet Esprit n'est autre que Dieu
qui nous attire et qui en nous tirant nous fait courir à lui. n. 3.
Il n'est donc point question de
demeurer oisif, mais d'agir par dépendance de l'Esprit de Dieu qui nous doit
animer.
De sorte que Dieu agissant
infiniment, nous nous laissant mouvoir à l'Esprit de Dieu, nous agissons
beaucoup plus que par notre propre action. n. 4.
Notre action doit donc être de
nous mettre en état de souffrir l'action de Dieu et de donner lieu au Verbe de
retracer en nous son image. Une image qui se remuerait empêcherait le peintre
de contretirer un tableau sur elle. Tous les mouvements que nous faisons par
notre propre esprit empêchent cet admirable Peintre de travailler, et font
faire de faux traits. Il faut donc demeurer en paix, et ne nous mouvoir que
lorsqu'il nous meut. n. 5
Que cette action soit plus noble,
c'est une chose incontestable. Il est certain que les choses n'ont de valeur
qu'autant que le principe d'où elles partent est noble, grand et relevé. les
actions faites par un principe divin sont des actions divines (a) ; au lieu que
les actions de la créature, quelque bonnes qu'elles paraissent, sont des
actions humaines ou tout au plus vertueuses, lorsqu'elles sont faites avec la
grâce.
On ne prétend donc pas de ne
point agir, mais seulement d'agir par la dépendance de l'Esprit de Dieu pour
donner lieu à son action de prendre la place de celle de la créature. Ce qui ne
se fait que par le consentement de la créature ; et la créature ne donne ce
consentement qu'en modérant son action, pour donner lieu peu à peu à l'action
de Dieu de prendre la place. n. 6.
Jésus-Christ nous fait voir dans l’Évangile cette conduite. Marthe faisait de bonnes choses ; mais parce qu'elle
les faisait par son propre esprit, Jésus-Christ l'en reprit. L'esprit de
l'homme est turbulent et inquiet : c'est pourquoi il fait peu quoiqu'il
paraisse faire beaucoup. (a) Marthe,
dit Jésus-Christ, vous vous inquiétez et
empressez de beaucoup de choses ; mais une seule chose est nécessaire. Marie a
choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ôtée. Qu'a-t-elle choisi,
Madeleine ? La paix, la tranquillité et le repos. Elle cesse d'agir en
apparence, pour se laisser mouvoir par l'Esprit de Jésus-Christ. n. 7.
(a) Luc, 10, vs. 41-43.
Les actes de l'homme sont ou
extérieurs ou intérieurs. Les extérieurs sont ceux qui paraissent au dehors, à
l'égard de quelque objet sensible ; et qui n'ont d'autre bonté, ni qualité
morale, que celle qu'ils reçoivent du principe intérieur dont ils partent.
Ce n'est point de ceux-là que
j'entends parler ; mais seulement des actes intérieurs, qui sont des actions de
l'âme par lesquelles elle s'applique intérieurement à quelque objet, où se
détourne aussi de quelque autre.
Chap. 22, n. 1.
Lorsqu'étant appliqué à Dieu, je
veux faire un acte d'autre nature, je me détourne de Dieu et je me tourne vers
les choses créées, plus ou moins, selon que mon acte est plus ou moins fort. Si
étant tourné vers la créature je veux retourner vers Dieu, il faut que je fasse
un acte pour me détourner de cette créature et me tourner vers Dieu : et ainsi
plus l'acte est parfait, plus la conversion est entière.
Jusqu'à ce que je sois
parfaitement converti, j'ai besoin de plusieurs actes pour me tourner vers Dieu
; les uns le sont tout d'un coup, les autres le sont peu à peu ; mais mon acte
me doit porter à me porter vers Dieu, employant toute la force de mon âme pour
lui.
Mais comme l'esprit de l'homme
est léger et que l'âme étant accoutumée à être tournée au dehors, elle se
dissipe aisément et se détourne, sitôt qu'elle s'aperçoit qu'elle s'est
détournée dans les choses du dehors, il faut que par un acte simple qui est un
retour vers Dieu, elle se remette en lui : puis son acte subsiste tant que sa
conversion dure, à force de se retourner vers Dieu par un retour simple et
sincère. n. 2.
Et comme plusieurs actes réitérés
font une habitude, l'âme contracte l'habitude de la conversion et d'un acte qui
devient comme habituel dans la suite.
L'âme ne doit pas se mettre en
peine alors de chercher cet acte pour le former, parce qu'il subsiste et même
elle ne le peut sans y trouver une grande difficulté. Elle trouve même qu'elle
se tire de son état sous prétexte de le chercher ; ce qu'elle ne doit jamais
faire, puisqu'il subsiste en habitude, et qu'alors elle est dans une conversion
et dans un amour habituel. On cherche un acte par d'autres actes, au lieu de se
tenir attaché par un acte simple à Dieu seul."
Madame Guyon, Le Moyen court, 1686
C´est le quietisme, qui fondait Miguel de Molinos, espagnol du temps des grand mistiques et iluminés. Et grand nombre furent des femmes, a les siecles XVI et XVII. Vivre dans le monde et ne pas etre, parce que c´est Dieu qui habit notre foyer interieur, et c´est Dieu qui vit et qui agit. Mais dans le christianisme la personne subsiste. Je pense que en cela il se releve comme plus pareil a le vedanta vaishnava que a la pratyabijna. Comme le sufisme de un autre grand espagnol, Ibn Arabi. Nous les espagnols sommes demi romains, demi arabs. Parfois un peau fanatiques, mais avec deux consciences. Comme disati Rimbaud, je ne pense plus, je suis pensé. Le surrealisme, un autre non dualisme?
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