mardi 18 septembre 2018

Le Bouddha croyait-il en la réincarnation ?

un Bouddha a deux faces ?


Sujet de controverse séculaire, déjà, dans le bouddhisme moderne (j'entends par là le bouddhisme entré en contact avec la science moderne et sa méthode)...

Le bouddhisme offre des méthodes de contemplation attrayantes pour un esprit sceptique ou athée. 
Mais, comme pour les autres traditions de l'Inde, ces méthodes sont mélangées à des croyances qui sont loin, très loin, de faire l'unanimité.

Evidemment, me dira-t-on, il existe la Pleine Conscience, approche qui a déjà mis à jour ces méthodes contemplatives au regard des méthodes scientifiques. Mais la Pleine Conscience n'offre que l'approche contemplative, c'est-à-dire la méditation, la concentration, la relaxation. Selon le Bouddha lui-même, ces pratiques sont bonnes et source de riches bienfaits. Mais, à elles seules, elles ne mènent pas à l"extinction de la souffrance", c'est-à-dire à la cessation du désir d'être ou de ne plus être. Elles ne mènent pas au Nirvâna, à la guérison complète et définitive, à la fin des renaissances.

Mais, à dire vrai, on peut se demander si le Bouddha croyait vraiment en la réincarnation. Le terme indien, employé par toutes les traditions de l'Inde, est punar-bhava ou punar-janma, littéralement "re-naissance" ou "ré-existence". La traduction exacte serait renaissance ou, dans une version un peu pédante, la version française du terme que les Grecs avaient inventé pour traduire le sanskrit : la palingénésie;

Le Bouddha n'est pas clair sur la question des renaissances. Parfois, et certes souvent, il affirme que tous les êtres naissent, meurent et renaissent sous l'effet de leur actes et de leurs intentions. Le détail de cette "loi" est assez obscur. Seul un Éveillé (solitaire, enseignant ou enseigné) est censé pouvoir la comprendre complètement. Ces discours sont nombreux, surtout dans les récits des "vies antérieures" du Bouddha. Mais l'on est jamais sûr de pouvoir attribuer ces récits (très nombreux) au Bouddha historique.

Ailleurs, le Bouddha proclame que "personne ne naît, personne de meurt", en ce sens qu'il y a bien naissance, mais personne ne naît. Evidemment, il est très difficile d'expliquer ce qui, alors, constitue l'unité d'un "flux" ou d'une "série" individuelle et ce qui fait que ces séries ne se mélangent jamais. De plus, comment prendre au sérieux une continuité, apparemment personnelle mais réellement impersonnelle, en l'absence de mémoire ? Autant affirmer que mes ancêtres étaient "moi", au motif qu'il y a une continuité biologique entre nous ; ce que le Bouddha ne fait jamais, sans doute parce qu'il ignorait les ressorts de la génétique.

Parfois le Bouddha laisse entendre que ce genre de connaissance est inutile. Y a-t-il un Soi ou non ? Inutile pour remédier à la maladie de la souffrance. Ce qui amène de l'eau au moulin de ceux qui aspirent à un bouddhisme sans renaissances/réincarnations, puisque ce genre de pragmatisme du Bouddha suggère que seule la pratique et ses effets ici-bas comptent. Mais ailleurs, le Bouddha affirme que la seule véritable guérison définitive n'a lieu qu'avec la mort (pari-nirvâna, "extinction complète"). Un Éveillé-libéré vivant, selon lui, n'a aucune maîtrise sur les souffrances physiques - faim, soif, maladies... Le Bouddha âgé souffrait de terribles maux du dos.

Enfin, dans certains textes (Dîgha Nikâya II, 83 ; Majjhima Nikâya II, 86), le Bouddha affirme clairement qu'aucun "esprit" ne saurait exister indépendamment du corps (nâma-rûpa, en sanskrit). Ce qui implique qu'aucun esprit - personnel ou impersonnel - ne survit à la mort du corps. Quand le disque dur est détruit, les données sont détruites. Tous ceux qui ont connu cette mésaventure le savent bien... A moins de sauvegarder ces données sur un autre support. Mais cela n'est pas une hypothèse envisagée par le Bouddha historique. 

Alors, que pensait vraiment le Bouddha ?
Difficile de le déterminer clairement, et c'est sans doute pourquoi le bouddhisme a tant évolué par la suite.

Le bouddhisme a en effet expliqué par la suite que le Bouddha avait tenu un double discours, avec deux niveaux de vérité. Ce qui est étrange si l'on y réfléchit. Soit il y a renaissance, soit il n'y a pas renaissance. D'autant plus que la pensée bouddhiste n'est pas vraiment portée à la synthèse (sa "voie du milieu" n'a rien d'une synthèse).

En tous les cas, la croyance à la renaissance s'explique aisément. Elle répond au besoin humain (et partagé avec les mammifères) de justice. Une expérience célèbre des années 60 l'a assez montré (par Lerner, dans le sillage des expériences de Milgram). la plupart d'entre nous préférons une explication bancale, mais qui satisfasse notre sens de la justice, plutôt qu'une explication rationnelle, mais absurde : cliquer sur ce lien pour une introduction à ces expérimentations passionnantes. 

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