La méditation sur le souffle est, avec quelques postures simples, présente dans les plus anciennes formes de yoga.
Dans le Yoga du Corps (kula-yoga), l'une des sources du Hatha Yoga, l'observation de la respiration est élevée jusqu'à un incroyable degré de finesse. La tradition considère clairement que la simple attention au va-et-vient du souffle est une voie complète vers l'éveil, et non une étape ou un auxiliaire.
Mais contrairement au Hatha qui aspire à stopper les activités naturelles du corps, le Yoga tantrique kaula ne vise pas à suspendre entièrement la respiration.
Certes, quand on donne une pleine attention à la fin de chaque expir, le va-et-vient s'apaise, le mental se calme :
"Quand la respiration va et vient de manière égale, le [yogi] voit [tout] de manière égale." (Shiva-sûtra III, 24)
Mais on parle ici toujours de mouvement (samcâra) et non d'arrêt. Le prâna-âyâma consiste alors à allonger et affiner le souffle, non à l'arrêter complètement.
Pourquoi cette différence d'approche ?
Parce qu'il semblerait que le Hatha soit d'inspiration bouddhiste, de même que le Yoga de Patanjali. Or le bouddhisme, depuis son origine, se veut anti-naturel, au sens où il ambitionne d'aller à contre-courant, contre le courant du samsâra, du devenir douloureux.
Voilà pourquoi le Hatha est très technique, tandis que le Yoga du Corps est plutôt une célébration de l'incarnation. Il ne s'agit pas de se délivrer du corps, mais de l'élargir jusqu'à l'infini. Le souffle n'est pas bloqué, car :
"Le lien avec le souffle est naturel" (id. III, 44)
Le souffle est la vie, le corps. Et tout cela est la manifestation du divin. Le problème n'est pas le corps, mais l'oubli de l'espace sans limites dans lequel baigne cette incarnation. Chacun est appelé à se réveiller, à se rappeler cette source. La chair est alors reconnue comme manifestation du divin.
Rejeter le souffle, c'est rejeter la vie, car le souffle est la vie, comme disait Shiva dans le Tantra de la Liberté (Svacchanda-tantra) :
"Le souffle est l'énergie vitale qui engendre l'expiration et l'inspiration".
Dans cet esprit, le "contrôle de la respiration" disparaît. On traduira prâna-âyâma par "affinement du souffle", rendre le corps à l'espace, à son espace, à cette présence intime que l'oubli a contracté.
La pratique est souffle est libre célébration, adoration en dehors de tout cadre religieux. La tradition du Yoga du Corps, Kula-yoga, tradition du Cœur cosmique (kaula-dharma), transcende tous les clivages. Elle est présente, en Inde, dans toutes les traditions "comme le parfum dans les fleurs".
Shiva, au-delà du temps, là, maintenant, en parle ainsi :
"[Le mouvement du souffle de vie est transmuté en énergie divine] en se recueillant dans l'intime des narines. Alors à quoi bon les canaux de droite et de gauche ? A quoi bon le canal central ?" (id. III, 45)
Les canaux sont les rivières du corps subtil (privé, intime, non objectif) dans lesquelles coulent l'énergie vitale. Leur parcours varie selon les besoins de la pratique, mais on retrouve toujours trois canaux principaux : gauche et droite, qui incarnent l'inspir et l'expir, support de toutes les dualités (prendre/donner, accepter/rejeter, aimer/haïr...), et canal central, image de l'équilibre par où la conscience se libère des dualismes.
Mais ici, la sensation du passage de l'air dans les narines est suggéré. Pourquoi ? A cause de sa subtilité et de sa nature tactile. Le toucher est enfant de l'espace. Il a ce pouvoir de ramener à l'infini, à l'Ouvert, bien davantage que les autres sens. Voilà pourquoi le Yoga du Corps accorde tant d'importance au toucher, plutôt qu'à la vue/vision des autres traditions.
Ecoute du souffle.
Des bulles éclatent dans l'espace.
Offrandes au linga ultime,
au symbole ineffable.
Méditation toute simple,
nul besoin de rien.
Ni visualiser, ni compter,
juste sentir.
Pleinement,
répondre à l'invitation du souffle.
Plonger, se donner totalement.
Alors on s'éveille à l'espace,
on se reconnaît espace,
ouvert, flottant,
détendu, éclatant.
Pour explorer ensemble ce Yoga, j'ai le plaisir de vous inviter à un stage à Bézier les 9 et 10 février de 10h à 17h.
Renseignements et inscriptions :
06 68 49 39
coachingsabinewirt@gmail.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pas de commentaires anonymes, merci.