vendredi 4 septembre 2020

"Par les baisers et les étreintes..."

Smara Yoga, blog philosophie de David Dubois: 2020

La Lune est au centre de la vie intérieure. Du moins, comme symbole extérieur de cycles intérieurs, charnels à des degrés plus ou moins subtils.

Ainsi le cycle lunaire, ce grand mystère, exprime les étapes de la vie intérieure et les étapes d'une expérience complète, depuis l'Un jusqu'à l'Un.

Par exemple, je vois ces mots.

D'abord, un flash de lumière. Puis, la perception. L'intention se dirige vers ces mots, excluant le reste en un éclair. Puis l'attention se referme sur eux comme une main. Puis une certitude non verbale : "c'est cela", avec sa confirmation verbale. Ensuite le discernement : les mots sont clairement distingués. Puis le détachement à l'égard de ce jugement. Et la plongée en soi, dans l'état d'agent souverain. Ensuite, l'expérience de la non séparation entre les choses et les êtres. Puis la manifestation du fond commun à tout. Ensuite : le repos, sans l'agitation des jugements. Puis l'expérience de ce qui est, tel que c'est, en sa plénitude. Pareillement, l'expérience de la pleine subjectivité, sans plus aucune limite. Ensuite, pure expérience. Enfin, l'état absolu. Pleine lune de la conscience.

Ces seize étapes se succèdent à chaque instant. Mais d'ordinaire, je n'y prête pas attention. Si, frappé par une sorte de grâce, je me réveille, alors tout cela s'accomplit, instant après instant, expérience après expérience. Le rapport de forces s'inverse : au lieu d'être obnubilé par le contenu de l'expérience, je suis envahi par le coeur, une sorte de vibration de plaisir jaillie du plus profond, comme un feu de forêt. Enfin, il n'y a plus qu'indicible expérience, absolument simple et pourtant inépuisablement riche. A chaque instant, tout naît, tout meure.

Mais ici, le philosophe laisse la place au poète.

C'est l'état du Point unique qui enveloppe tout, la résonance nasale représentée par le point. C'est l'état de plénitude, en lequel toutes choses s'épanchent en une extase indicible, la dix-septième portion du cycle lunaire. Certaines traditions évoquent une dix-huitième portion, ultime réconciliation ineffable.

Cette extase est la parfaite réconciliation du sujet et de l'objet, de la conscience et du monde, de la pensée et de l'être, des mots et des choses, de la veille et du sommeil. Tout est engendré dans cette étreinte intime. Elle brille à chaque instant de l'intérieur, sans dépendre de rien. C'est l'énergie du centre, pleine de tout, de tous ces flots qui s'écoulent en elle, comme des courants dans l'océan. C'est le monde comme béatitude. C'est l'éclosion de l'élan atemporel, la souche primordiale, à jamais éclatante et toujours déjà manifeste, débordante du nectar de l'extase complète.

Comme dit Abhinava :

śivaśaktyoḥ sa saṃghaṭṭaḥ sneha ity abhidhīyate // Mâlinîvijayavârttika, I.895
"Cette copulation de Shiva et Shakti est ce que l'on appelle 'amour'".

Et il conclut cette révélation en faisant le lien, évident, avec la pratique de l'union sacrée :

atraiva pūrṇavaisargapade labdhuṃ(labbhvā) praveśanam
lehanāmanthanetyādisaṃpradāyam upāsate // I.896
"Là seulement, une fois entré 
dans cette état de pleine extase/ de plein orgasme,
on rend hommage à la tradition qui dit
'par les baisers, les étreintes (on atteindra le divin)'".

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