Si tout est conscience, que devient cette tasse de thé quand plus personne n'en a conscience ? Ou passe-t-elle, si elle n'a aucune existence indépendante de la conscience ?
Où sont toutes les choses dont je n'ai pas conscience ? dont nous n'avons pas conscience ? dont personne n'a conscience ?
Rien n'existe en dehors de la conscience, ni cette tasse, ni rien d'autre. C'est un fait d'expérience. Si je vois la tasse, elle est "dans" ma conscience, car "voir" est une forme de conscience. Si je l'imagine, pareil. Si je m'en souviens, pareil. Si j'infère son existence, pareil. Percevoir, imaginer, se souvenir, inférer sont des des formes de conscience, des façons dont la conscience se manifeste à elle-même, s'éprouve. Nous sommes tous un seul être qui prend conscience de soi de ces différentes manières.
Mais que devient cette tasse quand plus personne n'en a conscience ?
Pour comprendre la réponse à cette question, la clé est de comprendre que toute conscience n'est pas nécessairement une conscience d'objets distingués. Je veux dire, toute conscience n'est pas conscience de quelque chose de bien délimité, comme cette tasse justement. Ma conscience peut, en effet, être une conscience indifférenciée de l'être indifférencié. Il n'y a là rien de bien extraordinaire. De fait, entre chaque pensée ou perception, ma conscience est conscience pure, c'est-à-dire indifférenciée. L'intervalle entre deux pensées, entre veille et sommeil, entre mort et renaissance, est pure conscience indifférenciée. Mais d'ordinaire, je prend ces intervalles pour des intervalles d'inconscience : je confonds conscience indifférenciée et inconscience. Je confonds conscience sans objet distingué avec une absence de conscience. Autrement dit, je confonds les attributs du sujet et de l'objet. J'attribue au sujet (la conscience) les attributs de l'objet (ici, l'absence d'objet clairement délimité).
Que devient la tasse pendant ces intervalles ? Elle redevient être, conscience de soi indifférenciée, expérience que l'on pourrait exprimer par "je suis je". Elle est comme une vague qui retourne à l'océan : sa forme disparaît, mais sa substance ne disparaît pas. De même, la tasse "disparaît" dans la conscience indifférenciée. Mais elle subsiste en tant qu'être pur. Autrement dit, j'ai toujours conscience de cette tasse, mais pas de manière claire et distincte. La conscience que j'en ai est immergée, comme "noyée" dans la masse de l'être indifférencié.
Donc, quand "personne n'a conscience de cette tasse", en réalité la tasse est toujours là, mais elle est dans la conscience comme la forme de la statue est en puissance dans le bloc de marbre. Donc, quand personne n'a conscience du monde, le monde est simplement dans la conscience en tant que conscience, comme les vagues dans l'océan. Cette tasse existe toujours. Parfois, elle est immergée dans la conscience universelle, parfois, elle émerge dans la conscience universelle. Et il en va de même pour les consciences individuelles, à leur échelle. L'image de la tasse est parfois immergée dans ma conscience, et à d'autres moments, quand "je la visualise", elle émerge de ma conscience. La conscience individuelle est comme un groupe de vagues relativement distinct de l'océan de la conscience universelle.
Quand la conscience reprend en elle la tasse ou n'importe quoi d'autre, on la compare à un feu qui transforme en feu son combustible. Le feu transforme le bois, par exemple, en feu. De même, la conscience, quand elle cesse de percevoir, d'imaginer ou de se souvenir, ou de penser à une chose, transforme cette chose en elle-même. La conscience est le feu qui rougeoie dans les cendres de l'univers. Tout est le combustible de la conscience. Mais d'ordinaire, je n'en ai pas la pleine conscience. En avoir la pleine conscience, c'est participer de plus en plus complètement à ce mouvement universel, c'est l'amour divin, la dévotion qui écarte le voile de l'oubli, de l'inertie, de l'inattention.
Les braises de la conscience rougeoient sous la cendre des choses. Elles n'attendent qu'un peu d'attention, d'amour, pour se rallumer et tout embraser. C'est le chemin de la vie intérieure.
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